François, la quarantaine, semble mener une vie bien rangée à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Père de deux filles et mari dévoué, il maintient son homosexualité dans une stricte clandestinité.
Lorsqu'il rencontre Christian, un éphèbe de 23 ans, le fils d'un vieil ami perdu de vue, François se voit consumé par une passion dévorante et une convoitise malvenue.
De ce thème vénéneux et viscontien, Oliver Hermanus a tiré une fable contemporaine immorale et amère, qui a séduit le jury de la récente Queer Palm au Festival de Cannes. La première scène dévoile d'emblée le drame qui s'ourdit : un long travelling avant progresse au milieu d'une file d'invités arrivant à un mariage avant de s'arrêter, médusé, sur le visage d'un beau jeune homme. C'est seulement après coup que l'on comprend que cette focalisation sur les traits angéliques de Christian correspond au point de vue de François. Instantanément, Christian devient son obsession et va faire basculer sa vie...
Beauty aborde la difficulté d'être homosexuel dans une société ultraconservatrice, le poids des préjugés, la force du refoulé, l'hypocrisie d'une double vie, des thèmes qui non seulement ne renouvellent pas le traitement de l'homosexualité au cinéma mais qui étaient en outre mis en scène avec plus de force dans, par exemple, Le Secret de Brokeback Mountain (Ang Lee, 2005) ou le récent Serbis (Brillante Mendoza, 2008).
UN MALAISE OPPRESSANT
A défaut de livrer un film aussi intense que ces modèles du genre, Beauty déroule ces thèmes jusque dans leurs conséquences les plus tragiques : le refoulement d'un inadmissible désir mènera à une scène de viol à la limite du soutenable.
Oliver Hermanus voulait que son film dérange, c'est réussi. Beauty installe progressivement une ambiance pesante, un malaise oppressant. Mais le film ennuie aussi, souffrant d'un rythme mou, de plans contemplatifs un peu vains, du manque d'épaisseur psychologique du protagoniste, et d'un discours trop simpliste ("tout est la faute de la société").
Surtout, Oliver Hermanus ne fait qu'effleurer un thème prometteur : celui de la haine de soi, de la lutte pour refouler ses désirs par peur d'être ce que l'on déteste le plus.
Certes, le film nous laisse entendre que François se dégoûte : ce bourgeois conservateur, à l'héritage afrikaner, a des penchants qu'il méprise. Le film nous fait partager ce dégoût que le personnage a de lui-même en nous montrant régulièrement François uriner, copuler, transpirer. Mais, si la caméra, passive, suit le protagoniste partout, des toilettes à la chambre dans laquelle il s'ébat brutalement avec d'autres hommes, elle échoue à nous dévoiler vraiment les ambiguïtés de ce personnage qu'on devine être à la fois blessé et destructeur.
Beauty ne parvient pas à approfondir le point de vue de François sur le drame qu'il vit. Le film progresse trop tardivement vers cette complexité et devient bouleversant quand François, seul, assis à une table, observe un jeune couple gay, tendre et complice. Le symbole d'une vie qu'il n'aura jamais, d'une vie qu'il n'aura pas osé avoir.