Beetlejuice : Entre éclat visuel et manque d’audace.

Après avoir passé plus de trois décennies à sommeiller dans les limbes de la pop culture, Beetlejuice fait un retour aussi attendu qu'explosif sur grand écran. Tim Burton, maître incontesté des univers gothiques farfelus, ressuscite l’un de ses personnages les plus iconiques avec une ambition visuelle débridée. Toutefois, à l’instar d’un spectre capricieux, cette suite oscille entre génie macabre et dérive narrative, nous plongeant dans un tourbillon esthétique où le grotesque côtoie l’absurde. Il reste à voir si cet hommage tardif saura séduire autant qu'il fascine, ou si la poussière du temps a fini par ternir son éclat fantomatique.

Le retour de Beetlejuice ne déçoit pas sur le plan visuel : Burton nous plonge une fois de plus dans un monde aussi excentrique que macabre, où chaque recoin semble regorger d'inventivité gothique et de détails éclatants. L’univers de Beetlejuice 2024 foisonne de couleurs vives et de décors grandioses, fidèles à l’esprit farfelu de son prédécesseur, mêlant le baroque et le kitsch dans un joyeux capharnaüm visuel. Ce spectacle flamboyant s’accompagne de l’humour noir corrosif qui a fait le succès du film original. Les dialogues sont mordants, et l’irrévérence ne faiblit jamais vraiment, faisant ainsi perdurer l’esprit satirique si cher aux fans de la première heure.


Pourtant, si le film flatte la rétine et amuse par son rythme soutenu, il manque parfois d’audace. Tim Burton, trop souvent tenté de ressasser le passé, s’appuie lourdement sur des clins d’œil nostalgiques, qui finissent par supplanter toute tentative réelle de renouvellement. Si les retrouvailles avec des personnages emblématiques comme Lydia Deetz (Winona Ryder) ou Beetlejuice lui-même apportent un certain réconfort aux amateurs du film de 1988, ce sont ces mêmes éléments qui trahissent un manque flagrant de surprises. Le film peine à innover, s’engouffrant dans une mécanique familière qui, bien que divertissante, ne transcende jamais vraiment les attentes.


L’intrigue, elle, souffre d’un trop-plein de personnages. Chacun d’entre eux semble offrir des promesses narratives qui, hélas, ne sont pas toutes tenues. Monica Bellucci, dans le rôle de Delores, ou même Willem Dafoe, brillant en détective surnaturel, sont sous-exploités, leurs arcs narratifs se perdant dans une série de péripéties disparates. En cherchant à multiplier les sous-intrigues, Burton finit par diluer le potentiel de son casting. Le scénario, bien que trépidant, s’éparpille trop souvent, manquant de cohérence pour permettre aux acteurs de véritablement briller dans leurs rôles.


Beetlejuice 2024 est comme un miroir déformant : il reflète avec éclat ce que les fans ont aimé du premier film tout en amplifiant ses excès, mais laisse dans l'ombre ce que l'on aurait pu attendre d'une véritable résurrection cinématographique. À la manière du personnage-titre, le film surgit bruyamment, faisant du bruit, agitant les bras, mais il manque parfois de substance là où l'on espérait plus de profondeur ou d'innovation. Si le plaisir est bel et bien au rendez-vous pour les nostalgiques, le spectacle, aussi réjouissant soit-il par moments, finit par s'effilocher, emporté par une avalanche de références qui, à force d’être recyclées, deviennent elles-mêmes des fantômes d’un passé glorieux. Un carnaval déchaîné, certes, mais qui, en fin de compte, fait du tout de même du surplace.

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le 30 oct. 2024

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