On me l'avait vendu comme le "grand retour de Tim Burton"... Sachant que, sacrilège, je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que tout était à jeter de sa carrière post 2000. En effet, jusqu'à Big Eyes, je pouvais encore percevoir des intentions de réalisateur et de vraies questionnements d'artiste sur le monde qui l'entoure... Avant que Miss Peregrine entérine définitivement le fait que Burton ne fasse plus que des téléfilms pour ados mal dans leur peaux, en agitant de temps en temps un spectre dans un drap, et du gore gratuit, à l'image du couple Maitland cherchant en vain à produire un sursaut de la part des Deets. Un cinéma de plus en plus en circuit fermé, recyclant les mêmes recettes ad nauseam sans prendre de risque. Autant dire que j'avais peu d'attente, vis à vis de ce film, quand bien même il y aurait des clins d'yeux complices et appels du pied au spectateur. Déjà que je ne voyais pas l'intérêt d'une suite tardive, encore moins celui de reprendre le casting d'origine, si ce n'était pour tabler sur cette fameuse mode de la nostalgie des vieux enfants qui, perso, me gêne autant qu'un oncle qui essaie de parler rap à un diner de famille trop arrosé.

Mais ce qui a titillé mon attention est de voir l'absence de ce qui semblait désormais définir le Burton contemporain: des scénarios plus conventionnels, une morale hors sujet et une esthétique monochrome sensée nous faire réaliser que Burton est "adulte" maintenant. Je me suis alors pris à rêver de quelque chose d'innovant, dans sa réal, son regard sur le monde, etc...


Ben finalement, je classerai Beetlejuice Beetlejuice dans les films appréciables de l'ami Tim, ce qui est déjà plus que je ne peux en dire de ses films post Big Eyes. J'ai pris du plaisir à le voir jouer avec ses créatures en pâte à modeler, à le voir faire le vieux bougon sur à peu près tout le monde( Disney, les influenceurs, les psy, les solutions alternatives), j'ai aimé le voir redéfinir les régles du royaume des morts déjà bien chargées, j'ai aimé voir Michael Keaton faire n'importe quoi car je craignais qu'on l'ait perdu dans The Flash... Surtout, j'ai été sincèrement touché par la relation mère-fille entre Winona Ryder et Jenna Ortega. Bref, j'en suis sorti avec le sentiment que le film avait réussi sa mission... Et puis j'ai repensé à sa réal fonctionnelle, à ses couleurs pastel, à son scénario inepte, à certains moments full CGI, ou à l'incrustation maladroite de M. Deets. Alors, je suis forcé de constater qu'il n'y a pas eu de changement notable tant du point de vue formel que du fond: certes Burton s'amuse, et nous amuse par là même. Mais en terme de forme et de revendication politique, quelle différences majeures avec Miss Peregrine? Mercredi ? Certes l'ensemble est plus maitrisé en terme de rythme et de folie visuelle, mais sa réa se contente encore du minimum syndical, l'ensemble fait toujours très "numérique", et l'histoire confirme que Burton ne sait plus allier sa folie avec un propos de fond pertinent. A croire que celui qui savait pousser son public à militer pour changer les choses s'en est bel et bien allé? Celui qui était capable aussi de distiller un pamphlet acide sur le système américain et globalement la dictature de l'image par l'intermédiaire de la satire est quant à lui aux abonnés absents. Pour finir je poserai juste une question: Tim Burton a-t-il vraiment changé ou a-t-il simplement abandonné son audace pour faire ce que le public attendait de lui?

Aegus
7
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le 6 déc. 2024

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8 j'aime

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