Film absolument sublime. Je ne connaissais pas du tout Zhao Liang et franchement ce qu'il livre là est passionnant. On a un film qui est visuellement magnifique. Il nous montre une mine en Mongolie Inférieure, ce qui est quand même en vrai un peu la laideur incarnée, et il arrive à la sublimer, à la rendre visuellement fascinante. De jour, de nuit, dans le nuage de pollution, à chaque fois on la voit sous un aspect différent, parfois avec les flammes de l'enfer qui surgissent, parfois avec des explosions.
D'ailleurs le film s'ouvre sur une explosion. J'ai monté le son car je n'entendais rien, pensant que c'était mon écran et là... une explosion dans la mine m'a fait sursauter. Elles se sont enchaînées les explosions... Et jamais elles n'ont été filmées de la même façon, il y a un renouvellement de la mise en scène, de la manière d'aborder cette mine et ses ouvriers. Une manière très poétique d'ailleurs. Ce qui fait que le film a beau être un peu trop long à mon goût il n'est jamais ennuyant. D'ailleurs il y a un parti pris de mise en scène assez intéressant puisque lors de certains plans d'ensemble l'écran est divisé de manière quasiment indicible en plusieurs parties (un écran partagé assez sobre), et où le réalisateur zoome légèrement sur la partie centrale de l'image. C'est assez particulier et ça rend vraiment bien, ça donne un aspect irréel tout en mettant en valeur l'image.
Visuellement je retiendrais également d'autres séquences, notamment une où une statue semble surplomber les usines et faire plusieurs fois leur taille, le tout grâce à un jeu d'échelle astucieux et vraiment bien réussi. Une autre fois l'image était brune, j'ai cru à un bug et puis plusieurs longues secondes plus tard on commence à deviner quelques formes... En fait c'était la fumée que l'on voyait, la pollution... et elle commençait à peine à se dissiper. Aucun mot pour faire comprendre qu'il y a un sérieux problème.
D'ailleurs le film est visuellement tellement fort qu'il est dommage de s'embarrasser de cartons explicatifs à la fin pour nous redire ce que l'on a vu dans le film.
La narration du film est librement inspiré de la Divine Comédie, on y retrouve donc un guide qui promène donc le narrateur dans cette mine et aux alentours, qui l'emmène voir les habitants...
Et là c'est assez hallucinant de voir à côté du matériel industriel un troupeau de brebis gardées à cheval...
Tout est surréel dans le film et pourtant tout est vrai... D'ailleurs cette ville gigantesque que l'on voit à la fin, une ville totalement vide est sans doute ce qu'il y a de plus flippant. Imaginer qu'on puisse vivre là-dedans, dans ces tours où il n'y a rien aux alentours si ce n'est le travail et vivre uniquement pour être la fourmi ouvrière dans le ventre du Béhémoth dans un endroit sans âme... Sans doute là le comble de la laideur d'une ville.
Bref un film beau, cohérent et profondément fascinant de par la beauté de la laideur qu'il filme.