Je rédige cette critique pour le plaisir, car il y a peu de chance que vous alliez voir ce film en salle. En effet, sa distribution est plutôt confidentielle en France, comme trop souvent pour les films traitant d’un thème LGBT (lesbienne, gay, bi, trans).
En l’occurrence, il s’agit aussi d’un film politique. Le conservatisme fait un retour remarqué au Brésil, un pays déjà classé parmi les plus dangereux pour les LGBT (environ un assassinat par jour lié à l’orientation sexuelle ou à la transidentité)
Nous sommes 13 jours après sa date de sortie et il est projeté dans 15 cinémas…en France (oui, oui, tout l’hexagone).
C’est pourtant dommage de se priver de beaux films parce qu’ils racontent des histoires qui ne s’inscrivent pas dans la même identité de genre ou la même orientation sexuelle que soit. Si les LGBT en faisant autant, ils louperaient beaucoup de beau film. Et bien ici, il en va de même pour les hétéros et hétérotes qui se diraient que ce film ne les concerne pas.
Pour ma part, je l’avais manqué (et j’en étais fâché) lors du festival chéris-chéries 2015 à Paris, il fallait donc venger ce loupé.
Venons-en au film.
Beira-Mar signifie « bord de mer » en portugais brésilien.
Je vous arrête tout de suite, on est bien loin des clichés de la plage brésilienne qui peuvent envahir spontanément votre cerveau pervers :-)
Le film est tourné et se situe sur la côté sud du Brésil (donc plus fraîche, hémisphère sud oblige), qui plus est en hiver. La plage n’est pas très belle, on semble un peu loin de tout, le vent souffle, et il fait froid. (ah, ça calme hein !)
Le scénario est inspiré des propres souvenirs d’adolescence de 2 co-réalisateurs, qu’ils ont mêlés à ceux des 2 acteurs lors de la phase où ils ont, ensemble, construit les 2 personnages principaux (assez rare pour être signalé)
2 amis, dont on suggère une amitié forte, une relation très proche mais qui s’est étiolée, partent ensemble à plus d’une heure de route, pour visiter la famille de l’un d’eux (qu’il n’a pas vu depuis 10 ans).
Sur place, il loge dans la belle maison familiale au bord de la plage, qui n’a pas connu de vie depuis aussi longtemps. Cette demeure sera le décor principal d’un presque huit-clos, où chacun teste un peu l’autre et soi-même, teste la valeur de cette amitié passée mais pas encore enterrée.
Tous deux sont dans ce passage délicat entre l’adolescence et l’âge adulte, et cette « virée » sera l’occasion d’une initiation sur plusieurs plans. La grande force du film est de savoir capter et rendre le tourbillon de sentiments très différents qui parcourt cette période si particulière de la vie de chacun de nous.
On y perçoit l’attente, la recherche de soi et des autres, l’hésitation mais en même qu’une capacité à foncer sans trop réfléchir. C’est la période on questionne ses propres limites, celles de son entourage. C’est aussi l’âge des fêtes et des abus d’alcool, de la découverte de la sexualité, mais également celui qui est parcouru par des émotions très complexes, là où se dessine des ruptures profondes (car pour se construire, il faut parfois rompre avec les choix que d’autres ont fait jusqu’ici pour vous).
Tout cela est superbement rendu. Les décors simples sonnent tellement justes avec l’histoire, la photographie du film n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour accompagner. Les acteurs sont d’une justesse qui m’a ébahi, simples et très complexes à la fois.
Si le rythme est globalement lent, cette lenteur n’est jamais pesante et elle sert véritablement le film. Les dialogues des différents personnages n’en rajoutent pas, parce que trop parler c’est souvent en dire moins.
La magie et la réussite de ce premier long métrage tient justement à sa capacité à montrer ce qui ne se voit pas, ce qu’on n'entend pas. Le tourbillon d’émotions contradictoires, les interrogations fortes et silencieuses. On est très loin des adolescences si souvent idéalisées au cinéma, c’est tellement plus véridique et juste.
Au final, le film est comme le bruit des vagues en hiver, il est est doux et puissant.