« Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c'est mourir. »
Je suis allée voir Bel Ami à reculons. Robert Pattinson x un de mes romans préférés x le personnage le plus ignoble que je connaisse x gros moyens = ouille, j'ai peur ! Mais une amie m'a traîné dans un petit cinéma de Montparnasse. Les sièges étaient très confortables (ils s'inclinent...) ce qui explique peut-être ma note plutôt "généreuse".
Bon, alors, déjà, on arrête tout de suite le snobisme avec Robert Paillasson (j'adore ce surnom, pardonnez moi). Son rôle dans les films-dont-nous-tairons-le-nom risque de lui coller à la peau encore longtemps. Cela dit, il incarne plutôt bien Georges. Il n'est pas facile de faire passer à l'écran toute la perversion de ce personnage, et il le fait de façon honorable. Il manque de charisme, d'accord (ET SURTOUT DE MOUSTACHE ! George Duroy sans moustache, c'est un peu comme Batman sans Robin ou Scarlett sans Rhett Butler). Mais il parvient bien à jouer toute la démesure du personnage, notamment dans la scène où il vire Mme Walter (je laisse le nom original, je me demande bien pourquoi les réalisateurs s'amusent à changer les noms...) de façon ô combien brutale de chez lui. En plus, le film ne tombe pas dans l'écueil que je redoutais tant : rendre Bel Ami sympathique, ou pire, amoureux d'une de ses femmes. Donc, Paillasson a fait son job.
Le problème du film, ce sont les rôles féminins. Madeleine, d'abord. Uma Thurman et sa voix caverneuse "Geoooooorgeeeuh" (c'est un peu près ça, et c'est tout à fait exaspérant à écouter) m'énerve. Son personnage est totalement insignifiant. Le comble du ridicule est atteint lors de la scène de sexe avec Bel Ami. Je vous laisse découvrir la chose, c'est assez risible. Christina Ricci est très belle mais rit bêtement, c'est dommage. En plus, elle a droit à une scène très niaise avec Bel Ami. Il faut toujours que les réalisateurs rajoutent un peu de mièvrerie quand ils sont face à des ouvrages aussi sombres et nihilistes. Kristin Scott Thomas n'est pas à son avantage, dans ce rôle ingrat. Bon, vous me direz, ce n'est peut être pas directement leur faute. Mais les rôles féminins sont un peu ratés. En fait, on a surtout l'impression que les réalisateurs insistent sur le côté sulfureux et charnel du livre (enfin, tout est relatif, l'œuvre originale n'est pas torride) mais zappent la critique du milieu du journalisme et l'aspect politique du roman. On ne voit pas non plus tout l'arrivisme de George. Tout va très (trop?) vite. On n'a pas le temps de découvrir, petit à petit, toutes les bassesses qu'il est prêt à faire pour parvenir à ses fins. Dommage !
Le tout est propret. Beaux costumes, photographie soignée, décors qui nous replongent directement dans l'œuvre de Maupassant...J'aime bien aussi la façon dont Bel Ami est filmé : souvent de dos, ou en contre plongée, pour montrer le danger qu'il représente. Cela se regarde très bien, ce n'est pas déplaisant, le rythme est un peu près soutenu. Franchement, un moment agréable de cinéma.
Cela dit, quand on a lu le livre, on est forcément déçus. Je me rappelle d'un passage marquant et terrible dans l'œuvre originale où Bel Ami présente ses parents à Madeleine. La scène n'existe pas dans le film...Dommage. Normalement, le livre se termine dans un triomphe complet de Georges - c'est un peu un remake de Rastignac et de son défi lancé à Paris en haut du Père-Lachaise - pendant lequel il regarde l'assemblée nationale avec un air de triomphe et se souvient de Mme de Marelle au sortir du lit. On sent qu'il va devenir député. Et qu'il a donc bien réussi. Le film passe cela sous silence et s'arrête sur la tête en pleine lumière de Georges (oui on a compris la métaphore, merci bien, il passe de l'ombre à la lumière...C'était fin.). C'est vraiment malheureux. Ce qui rend l'excipit du roman aussi génial, c'est de se dire que Bel Ami a totalement réussi et que ce type ne s'arrêtera jamais dans son ascension sociale.
Si ce film peut encourager certaines personnes un peu réticentes à lire le roman, pourquoi pas ?
Par contre, Maupassant n'indique pas que son personnage a les cheveux gras.