Le film oscille entre un réalisme pompeux et un expressionisme boursouflé.
L'ouverture est au plus bas degré de mise en scène, des vues aériennes du Belfast d'aujourd'hui, en couleur, avant un passage en noir et blanc, signal que l'on se plonge enfin dans le récit d'époque. Mais que signifie ce retrait de la couleur ? Simple signe d'un retour dans le passé ? Pas tant, puisque la couleur revient lorsque les personnages regardent des films ; procédé doublement délétère : les effets s'annulent l'un l'autre. Puis, ils subordonnent l'image du film à celles, nécessairement plus vivantes (ou augmentées par la couleur), de la fiction et du présent. L'image en noir et blanc, majoritaire, est donc condamnée, en somme, à n'être qu'une image du passé, une image appauvrie, ce qui va tout à fait à l'encontre des intentions esquissées par la mise en scène.
Des personnages de grands-parents, touchants, dont l'un n'existe presque que pour mourir, un gage d'émotion et, finalement, l'apanage d'un mélodrame.
La scène la plus touchante du film est celle où danse la famille après un enterrement. Une belle scène parce qu'elle constitue le seul moment où Branagh filme ses personnages "au présent", pour ce qu'ils sont en cet instant, beaux donc, magnifiés par les jeux de regard, et où enfin ils s'extraient des logorrhées récurrentes du film.
En somme, un film qui n'a pas vraiment de regard, ou plutôt qui se regarde beaucoup plus lui-même qu'il ne nous regarde.