Dans une de ces innombrables vallées isolées d’Islande, l’élevage du mouton est bien plus qu’un gagne-pain, c’est une science, une culture, une passion, une histoire, un concours, une fierté, un sens et une esthétique de la vie. La catastrophe tombe par la présence d’une neuropathie transmissible obligeant les services vétérinaires à un abatage général dans toute la vallée, dans un pays où rigueur, pragmatisme et une effrayante et exhaustive discipline de la propreté ne sont pas juste des mots.
Comme d’autres éleveurs, deux frères ennemis, sexagénaires, ours hirsutes de l’ancienne école, voisins et fâchés depuis 40 ans, ne communiquant que par chien interposé, subissent le même et poignant anéantissement de devoir liquider toute leur vie. A moins qu’ils n’osent s’accorder une nécessaire solidarité qui leur permettra de sauver secrètement une poignée de béliers et brebis de leur superbe et ancestrale lignée de Bolstad, au prix du risque de leur vie, de la transgression de la loi, et celle de leur féroce animosité.
Si la situation sait être cocasse entre les deux voisins terribles et les efforts agités de leur pauvre sauvetage, on a bien affaire à un film tragique, poignant de douleurs et d’innocence, de secrets que l’on devine lourds, à la tendresse et au sentimentalisme étonnants, fidèle à la rudesse franche et périlleuse du pays dont il est issu. La rustrerie rurale et les dialogues à la nordique, minimalistes et stoïques, les rancœurs calmes mais non moins enragées, les coups de gueule et les déterminations glacées, nous captivent dans un bouleversant réalisme de drame, dans une terrible sentimentalité et dans une rustique authenticité.