La fin des mouvements sociaux des années 60, de la libération sexuelle et des hippies, le début d'une lente descente vers les années 80 ou le triomphe des blancs conservateurs et l'avénement du sida. Ca, c'est pour le contexte historique. Belladonna s'inscrit dans cette histoire, portant en lui une étrange mélancholie, un film assez crépusculaire malgrés le foisonement et la couleur des images.
D'abord il convient de bien définir ce film afin de ne pas créer de fausses attentes. C'est un film trés lent ce qui est due à l'enchaînement de dessins car, contrairement à un dessin animé classique, la majeur partie des plans ici sont fixes, des dessins non animés (cela n'en fait pas pour autant un diaporama, comme dans n'importe quel film, les plans sont minutés pour harmoniser la durée du film, ils sont montés). L'intelligence du film repose en partie sur ce choix esthétique, d'abord car il permet de réaliser des dessins trés détaillés et mettent en valeur une démarche esthétique fouillée, les styles graphique s'y confrontent. Entre dessins japonais classiques pour les visages, les corps, et art nouveau pour les fresques psychédéliques, (l'art nouveau étant une période artistique mettant à l'honneur la femme, le romantisme et la nature) ces travaux plastiques font plus qu'illustrer le fond, ils racontent une histoire de la représentation de la femme. Les parties annimées y sont rares, enfait elles se résument à un personnage, le diable. Seul le diable est animé, le mal mettant ainsi littéralement en mouvement l'intrigue. Pour un film anticlérical, c'est bien vu.
Le fond, d'ailleurs, c'est l'histoire de Jeanne, violée par le prince le jour de son mariage avec Jean, puis rejetée par celui ci, la décidant ainsi à se tourner vers le diable, et à s'enfoncer lentement dans la sorcellerie. Il s'agit d'une adaptation pas si libre que ça du roman "La sorciére" de Jules Michelet. Jules Michelet est un historien français du XIX siécle et "La sorciére" est un des premiers ouvrages traitant de la sorcellerie au moyen age, participant à la construction du mythe de la sorcière où la femme serait plus une victime de son époque et des moeurs religieuse et patriarcale qu'une vieille femme flippante qui torture les enfants et sa belle fille. C'est aussi ce que nous raconte le film, violemment. Car, dans le film, Jeanne ne cesse de se faire violer. Cet engouement pour les représentations sexuelles est ici parfaitement justifié puisqu'il s'agit de représenter la trajectoire d'une femme dont le corps est un enjeux majeur. Attention, il n'est cependant pas question ici d'hérotiser le viol, chaque scéne est terrible, la premiére déchire littéralement le corps de Jeanne, jusqu'au troisiéme segment où elle semble reprendre le contrôle de son corps et de sa vie, avant un épilogue dramatique qui la transforme en martyre, la figure de la sorciére devenant ainsi le socle de toute les violences subies par les femmes au cour des ages, et donc le socles des luttes des femmes vers une abollition du patriarcat.
Cette fable contemporaine est donc un film déroutant tant dans son style de mise en scéne unique, que dans son fond, profondément féministe et en avance sur son temps, et sur le notre. Pas de happy end pour les femmes qui tentent de vivre en égale aux hommes, pas pour elles pour les générations qui suivent, peut être. Ce film s'achéve donc sur un appel à la lutte, et la cohésion. Bien avant l'essai à succés "Les sorcières" de Mona Chollet, Belladonna réecrivait l'histoire des femmes et de leur luttes. Et si tout ça vous emmerde, ça reste un trip visuel unique