Les manants et la putain
Le goût pour le souffre et la provocation de Buñuel ne sont plus à prouver lorsqu’il s’attaque au roman de Joseph Kessel, qui fit déjà scandale lors de sa publication en épisodes dans la presse...
le 15 févr. 2021
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Pour aucune autre raison que les aléas d'une construction cinéphile, je ne m'étais jusqu'ici jamais confronté au cinéma de Luis BUÑUEL et à dire vrai je n'avais pas de raisons particulières à choisir celui-ci plutôt qu'un autre, c'est simplement en fouillant le bac d'occasions lui étant dédié de la bourse d'échanges où j'ai mes habitudes où je cherchais Un Chien andalou (1929) qui n'était pas disponible que j'ai fait mon choix de façon subjective en achetant donc Belle de jour (1966) et Le Journal d'une femme de chambre (1963).
C'est donc cette nuit que je me suis installé pour découvrir l'univers de ce cinéaste et je dois confesser avoir été plus que séduit par ma rencontre.
Adapté du roman éponyme de Joseph KESSEL, il aborde un sujet qui encore aujourd'hui revêt une forme de tabou, la prostitution. Séverine vit avec son époux une vraie idylle mais en dépit de l'amour mutuel qui les lies, elle ne ressent pas de plaisir dans leur relations sexuelles. Cette frustration réveille en elle des fantasmes inavoués et inavouables notamment de relations sadomasochistes qui finissent par la questionner et la pousser à s'investir corps et âme dans une maison close où elle adoptera le pseudonyme de "Belle de jour" et où elle assouvira ses désirs charnels.
Le film a pu être provocant, voire choquant à l'époque de sa sortie, non pas que nos aînés aient été plus prudes que nous le sommes aujourd'hui, mais en choisissant pour incarner cette femme guidée par son seul plaisir une femme issue de la haute bourgeoisie, le film vient bousculer l'idée d'une classe sociale qui n'est pas sensée s'adonner à de telle activités réservées dans l'idée générale à des femmes motivée par l'argent, des femmes dans le besoin. BUÑUEL s'empare du désir au féminin et montre avec beaucoup de finesse, de talent de narration et de précision dans la peinture psychologique qu'il n'a rien à envier au désir masculin, malgré la prédominance de ce dernier dans la sphère sociale, que ce soit sa représentation, son acceptation ou les possibilités qui lui sont offertes pour l'assouvir.
Quelque chose qui aujourd'hui semble acté et qui n'étonnera, ni ne choquera plus personne à l'exception d'une infime fraction de réactionnaires.
Si la femme prend ici une force inédite, cette dernière se voile encore derrière une approche psychologique qui présente notre protagoniste comme mal à l'aise c'est surtout le traitement des personnages masculins qui m'est apparu passionnant, ils se montrent tous comme des êtres forts, sûrs de leurs puissance, mais en réalité ils apparaissent comme d'une veulerie absolue, que ce soit le mari inapte à donner du plaisir à sa femme, l'amant mû par une violence qui peine à camoufler les nombreuses faiblesses ou l'ami du couple aux premiers abords incarnation de l'assurance virile mais en fait d'une perversion rare ou la clientèle prompte à se montrer dominante dans les secrets d'une alcôve anonyme mais qu'on devine aisément dominés dans leurs vies.
Catherine DENEUVE alors au sommet de sa beauté y est brillante et délivre une prestation absolument remarquable, jouant avec la finesse d'une psychologie avec maestria, les jeux de regards m'ont particulièrement interpellés et dans la distribution masculine je retiens Michel PICCOLI dont la perversion latente m'a sidéré.
J'ai l'impression que ce film a été une source d'inspiration importante pour des cinéastes comme Claude CHABROL dans sa peinture acerbe d'une bourgeoisie perdue dans ses contradictions et ses travers. En ce qui me concerne, cette première confrontation a été un vrai plaisir.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ma collection personnelle par ordre chronologique, Les meilleurs films de 1967 et MON ANNEE 2023 EN CINEMA, FILMS VUS POUR LA PREMIERE FOIS CETTE ANNEE.
Créée
le 8 juin 2023
Critique lue 14 fois
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