Souvenirs brûlés.
Autant être prévenu d'avance, "Bellflower" n'est en aucun cas un thriller post-apocalyptique. Contrairement à ce que laisse supposer son imagerie directement inspirée de "Mad Max", ce premier film...
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le 24 nov. 2013
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J’aime beaucoup de films et j’ai tendance à être sympathique avec une grande majorité de métrages qui mériteraient tout au mieux mon déni. Le problème qui se pose à moi est que, la plupart du temps, je me conditionne automatiquement au film que je vais regarder. Je le regarde dans un certain état d’esprit, avec à priori et à fortiori, mais toujours avec un œil lucide. Je ne défendrais jamais un film que je ne peux pas aimer. À contrario, je ne dirais jamais du mal d’un film que je n’ai pas totalement détesté. Je cherche toujours la petite étincelle qui me fera penser du bien d’un film. Si je ne la trouve pas, je ne perds pas mon temps à creuser. Je n’aime pas. Le film dont il est question ici tient un place à part. Pas parce que c’est le meilleur film techniquement réalisé mais parce que c’est tout simplement le film qui m’a le plus broyé le Cœur et l’Âme. Des films marquant, qui me resteront jusqu’à ma mort je pourrais en citer plein. Mais aucun n’a jamais eu l’impact que Bellflower a eu sur moi. Sorti en France en 2012 après avoir écumé les festivals du monde, je m’attendais à un bon film ayant un avis positif du métrage après bon nombre de critiques dithyrambiques. Mais je n’étais pas prêt pour ce film. Et alors que j’écris ces lignes, ce film me fait toujours aussi mal et me rends toujours aussi triste.
Commençons par le commencement. L’histoire. Simple. Banale. Woodrow et Aiden, deux amis un peu perdus et qui ne croient plus en rien, concentrent leur énergie à la confection d’un lance-flammes et d’une voiture de guerre, qu’ils nomment "la Medusa". Ils sont persuadés que l’apocalypse est proche, et s’arment pour réaliser leur fantasme de domination d’un monde en ruine. Jusqu’à ce que Woodrow rencontre une fille… Ce qui va changer le cours de leur histoire, pour le meilleur et pour le pire. Rien de spectaculaire. Deux amis, une histoire d’Amour. La force ce Bellflower est dans son traitement. Sa mise en scène, sa BO, son casting, son montage, sa genèse torturée. Un peu de tergiversation avant d’entrer dans le vif du sujet. Evan Glodell (réalisateur et acteur principal du film) construisit son premier lance-flamme à l’âge de 12 ans. Il étudia l’ingénierie pour se voir récompensé d’un diplôme. Mais las. Son désir, c’est de faire du cinéma. Pour 17000$, il monte sa boîte de production, Coatwolf, et réalise le film qui nous intéresse ici. Ce qui est remarquable, c’est que de ce budget initial, environ 15000$ iront à la conception et construction de la voiture qui hante le film (pourquoi hanter ? J’y reviendrai plus tard). Je vous laisse faire le calcul pour le montant restant pour le tournage du film, payer les équipes (le film a été tourné entre amis, comprendre quasiment bénévolement), l’équipement et la post-prod. À l’origine de ce film, il y a une rupture amoureuse. Evan Glodell la vit mal et décide d’écrire une histoire autour de cela. Il mettra 8 ans à mettre la touche finale à son histoire. Il veut en faire un film et rien ne l’arrêtera. Fort de son diplôme d’ingénieur, c’est lui qui modifiera toutes les caméras pour le tournage et tout ce que vous voyez à l’écran a été conçu par lui (voitures, lance-flammes, …). Avec l’aide dévouée de ses amis, il se lance dans le tournage de Bellflower. Ses influences pour ce film sont claires. C’est un putain de fan de Mad Max. Mais ce qu’il y’a de subtil, c’est que Glodell a compris ce qui faisait du personnage de Mel Gibson un être torturé. Max a perdu tout ce qu’il aimait dans une apocalypse inexorable. Woodrow (le personnage joué par Glodell) attend cette apocalypse de pied ferme. C’est à cela qu’il s’attend et se prépare avec son meilleur ami (et jamais une telle amitié, si solide, n’a été retranscrite à l’écran). Il tombe amoureux d’une femme rencontrée lors d’une soirée. Et c’est là que le film commence à nous attraper le Cœur. Car nous sommes TOUS tombés amoureux au moins une fois dans notre vie. Et sur ce postulat de départ, Glodell va nous rappeler les meilleurs moments de cet Amour, avant de broyer notre Cœur avec nos pires souvenirs. La trahison, la douleur mais surtout le deuil de la relation.
J’ai eu souvent l’occasion de suggérer Bellflower à des ami(e)s qui voulaient voir un bon film. Ceux qui avaient vécu des relations douloureuses n’en sont pas sortis indemnes. Si vous avez sentimentalement souffert dans votre vie, Bellflower plongera un couteau chauffé à blanc dans les cicatrices de votre Cœur pour les laisser ouvertes et à vif jusqu’à votre dernier souffle. Ne rien ressentir devant Bellflower (et je l’affirmerai jusqu’à ma mort) signifie que vous n’avez jamais réellement aimé ni jamais vraiment souffert (mais cela reste mon avis purement subjectif). À ces sentiments très forts portés tout au long du film, la BO de Jonathan Keevil agit comme un marteau qui achève votre Cœur. Chaque chanson (composé par Keevil j’entends) résonne avec sens dans le film. Aucun mot n’est hors-propos. Divisé en chapitre, le film nous montre l’évolution des personnages, paumés et attendant une fin qui n’arrive pas (et n’arrivera jamais ?). Ils errent tout au long du film en quête de sens, de raisons sans jamais réellement les trouver. Construire la voiture ultime pour survivre à l’apocalypse est le but premier des deux amis. Mais cette voiture est surtout le symbole de tout ce qui ira de travers pour eux mais surtout que de ce qui leur donnera l’étincelle pour repartir une fois détruit. Glodell l’a dit : « Cette voiture est comme une sorte de divinité pour les deux amis. C’est un objectif à atteindre : dès lors qu’ils parviennent à la construire, tout devient possible. Son nom vient de Méduse, qui était une jeune fille belle et virginale qui osa séduire Poséidon. Pour la punir, les dieux lui prirent sa beauté ; il ne fallait pas la regarder sous peine d’être pétrifié. D’un objet de désir, elle est devenue l’expression de la menace, ce qui donne un sens inattendu et intéressant au film.». Sachant cela, tout le film prend sens. Mais assez de symbolique, parlons du film en tant que tel. De la mise en scène au montage, rien n’est mal exécuté dans ce film. Tout est parfaitement maîtrisé. Glodell sait où placer sa caméra, quand couper un plan et comment raccorder le tout. Le rythme est parfait (pour ne pas dire diabolique) et le jeu d’acteurs (rices) est époustouflant quand on sait qu’aucun n’est professionnel. Venons à la conclusion car comme le dit la chanson « Babyfin » qui clôture le film, « Every Lullaby Has To Find Its Night », Bellflower fait partit de ces « petits films » qui resteront dans l’histoire pour leurs petits budgets mais surtout pour leur grandeur. J’ai vu des centaines et des centaines et des centaines de films. Assez pour pouvoir dire que jamais aucun n’arrivera à la cheville de celui-là (purement subjectif, j’ai vu néanmoins d’autres films qui m’ont marqué mais pas avec autant d’impact). Voir Bellflower c’est accepter de rouvrir de douloureuses plaies. Comprendre Bellflower, c’est accepter que nous ne pouvons pas vivre sans ces plaies. Aimer Bellflower, c’est accepter que ces plaies seront toujours là pour nous rappeler que nous avons déjà aimé.
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Créée
le 11 janv. 2022
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