Il ne faut pas se fier au résumé digne d'une série B du samedi soir à mater autour d'une pizza en buvant quelque bières.
Ce film propose quelque chose qui va bien au delà de son postulat, très casse-gueule, de départ. Le titre et la trame du film ne sont que le prétexte pour montrer ce qu'est devenu la vie d'un "héros de guerre", sa nostalgie, la mélancolie de son quotidien, prisonnier d'un passé qu'il ne pourra jamais changer et envoyé en mission suicide alors qu'il venait de trouver l'Amour. C'est plus les moments intimistes du film qui touchent que les moments où il doit tuer Hitler (fort bien mis en boîte) ou le Big-Foot (par contre là ça accélère, le montage s'emballe, on sent que le réalisateur utilise cet argument comme moyen et non comme une fin en voyant comment le réalisateur expédie ce passage).
Tout au long du métrage (et je n'arrive pas du tout à expliquer pourquoi) j'ai eu l'impression de voir un film des années 90 (entre 90 et 95 précisément).
Pour son premier long métrage (il s'est fait la main sur un court-métrage en stop-motion, Elsie Hooper, en 2016) Robert D. Krzykowski, alors connu comme producteur de The Woman, de Lucky McKee, a le sens de la belle image (il y a des plans à tomber par terre, d'une beauté époustouflante) et de la mise en scène soignée (même si il y'a des moments un peu brouillon pour faire "action"). Et même si il n'atteint pas le talent de Russell Mulcahy en ce qui concerne les transition entre présent et passé (mais on en est pas loin, de rares moments tutoient les meilleurs passages d'Highlander (oui oui j'assume)), il donne une patine noble à ce qui aurait pu être torché à la va-vite par un faiseur sans âme. Et il n'est pas surprenant de retrouver son comparse de The Woman à la production, McKee ayant une sensibilité à fleur de peau (ceux qui ont vu May peuvent en témoigner).
À la production on retrouve aussi John Sayles, scénariste/réalisateur capable de très bonnes choses ( il écrit Piranha et The Howling pour Joe Dante, puis écrit et réalise Passion Fish en 92,The Secret of Roan Inish en 94, Lone Star en 96, Men with Guns en 97, ... je continue?) et abonné à la trahison (son script A Safe Place sera réécrit et violé par Ethan Reiff et Cyrus Voris pour devenir Men of War avec Dolph Lundgren, et Night Skies, commandé par Spielberg comme une suite de Rencontre du Troisième Type, finira en development hell et sera recyclé massivement dans E.T. par Melissa Mathison, puis un peu dans Poltergeist, Gremlins et même Critters. Pour se consoler il ira réaliser et écrire The Brother from Another Planet en 84) mais également Douglas Trumbull (un ptit gars pas très connu qui à réalisé les effets visuels de 2001, L'Odyssée De L'Espace, Star Trek: The Motion Picture , Rencontre du Troisième Type, tiens-donc, mais aussi un certain Blade Runner. Rassurez-vous, en plus de produire, il apporte sa science au métrage en question également). Autant dire que pas l'ombre d'un tâcheron ne pointe le bout de son nez.
Parlons peu parlons musique, c'est Joe Kraemer qui s'y colle (il a déjà bossé avec Krzykowski pour Elsie Hooper) et ça n'est pas un petit débutant (*longtemps cantonné aux téléfilms et DTV's, on commence à sentir son potentiel sur The Way Of The Gun pour exploser avec Jack Reacher (qu'est-ce qu'ils sont allé me foutre Henry Jackman sur la suite?), s'affirmer avec une des meilleurs BO de la saga Mission:Impossible en nous bluffant sur Rogue Nation puis en prenant tout le monde à contre courant en composant une nouvelle partition pour le chef-d'oeuvre de Murnau, l'Aurore. Un gars qui s'y connait donc*). Il nous offre une partition tantôt émouvante, tantôt anxieuse , mais globalement maîtrisée et magnifique (même si la musique devient nawak pour les moments également nawak du film, faut bien faire plaisir au réal) qui saura toucher votre cœur au moments les plus opportuns.
Passons maintenant à la pièce maîtresse du film, le casting. Et là on ne se fout pas de notre gueule. Tout d'abord Sam Elliott (Wade Garrett Forever <3 ) est parfait dans le rôle de ce "héros" de guerre fatigué et brisé par une mission qui l'a éloigné de sa bien-aimée. Il vit simplement et cherche à éviter le plus possible d'attirer l'attention et les conflits. Chaque moment de violence lui coûte car il n'a jamais demandé à faire couler le sang et Elliott arrive à retranscrire ce désespoir toute en nuance sans jamais tomber dans la caricature ou le cabotinage. Choisir Aidan Turner (Mitchell Forever <3 ) pour le jouer plus jeune pouvait paraître une idée débile (en fait le film s'en sort plutôt avec les honneurs quand on voit le potentiel de débilité auquel on pouvait s'attendre avec un tel film) mais celui-ci a su capter l'essence d'Elliott pour réussir à travailler une base qui donnera une évolution magnifiquement dramatique au personnage, les deux acteurs partageant la même tristesse dans le regard (ce qui offre des moments réellement Crève-Cœur). Caitlin Fitzgerald imprime la rétine dans le rôle de Maxine, bien-aimée de notre héros et joue tout en retenue comme son personage qui essaie de s'empêcher d'être trop sentimentale. L'alchimie entre Turner et elle est bluffante (la scène de la ballade va vous flinguer). Larry Miller m'a littéralement bluffé, tant je suis habitué à le voir dans des rôles débiles (tapez son nom dans Google et vous vous exclamerez :"Aaaah mais c'est lui!!!"). Il joue ici le frère de Sam Elliott et même si il a peu de scènes, il touche le mille à chaque fois (sans déconner j'en reviens toujours pas...). Et puisqu'il faut un mouton noir, parlons de Ron Livingston, qui lui ne m'a pas convaincu en agent du gouvernement venant demander à Calvin Barr de traquer BIg Foot (*
sous un prétexte qui rappellera furieusement Alerte! de Wolfgang Petersen
. Peut-être une des raisons pour lesquelles je trouve que le film vient des 90's*). Il ne semble pas convaincu par son personnage et nous offre UN des DEUX moments du film qui manque de faire tomber le film dans le nanar (on passe à une feuille de papier à cigarette de la chute. Tellement qu'on se demande comment le réalisateur à pu laisser passer ça). Parlons également du Big-Foot en question, sans être un monstre d'une qualité exceptionnelle, il reste relativement correct pour une production de cet acabit et le réalisateur sait comment placer sa caméra et quand cuter (de manière générale, les derniers plans sur le visage de la bête sont un chouilla trop long et desservent la tension).
Il en résulte donc un film très légèrement imparfait mais également très surprenant. Honnêtement je n'aurais jamais cru voir un film comme ça en 2019. Touchant, sincère, riche en émotions, juste ce qu'il faut de drame et d'aventure. Certes le mélange peut paraître déséquilibré par moment mais Krzykowski s'acquite de son numéro de funambule avec les honneurs (sans déconner y'avait pas plus casse-gueule comme pitch de départ et le gars nous ponds un film sensible, humain sur la désillusion d'un homme qui à tout perdu la veille de son départ à la guerre. Sans déconner je n'en revenais pas à la fin du film.) et nous livre un film profondément humain avec certains plans dignes de grands tableaux (il y'a vraiment quelques plans de fou!!!). Ne pas se fier au titre ni à l'affiche, même la bande-annonce ne fait qu'effleurer la mélancolie qui se dégage du film. Celui-ci à réussi à toucher mon Coeur et me faire verser quelques larmes. Et pour un film au postulat de départ aussi con, ça mérite bien un 10/10 mention coup de Coeur.