Depuis 2018, qu'on attend Benedetta. Depuis 2018 que l'on attend le dernier exploit du hollandais violent, son sujet qui sent le soufre, les tabous de l'homosexualité de son héroïne, son corps exposé.


Les premières minutes de Benedetta ne pourront que décontenancer, tant par l'humour convoqué, première pique du réalisateur, que par les certitudes d'une jeune fille promise au couvent, celle qui affirme que la Vierge fait tout ce qu'elle lui ordonne. Curieuse conception de l'amour de Dieu en vérité, prolongée par l'attitude d'une mère supérieure négociant âprement le prix d'une dot et enjoignant le père de la jeune fille de ne pas « se montrer comme un juif »...


Des premières minutes qui sonnent donc comme une véritable note d'intention, achevée par un pseudo miracle en forme de chute d'une effigie de vierge et qui, au lieu d'écraser la jeune fille, offre son sein à sucer en guise de rapport érotique primitif et inconscient.


Verhoeven signe une nouvelle charge subversive saisissant toutes les contradictions d'une église propre, dans un même mouvement, à croire aux miracles, avant de brûler ses saintes et ses figures de proue. A célébrer le mystique tout en condamnant l'hérésie.Tout comme elle est prête à exiger de mener une vie de pauvreté alors que ses membres les plus haut placés vivent dans un(e) lux(ur)e ostentatoire et cossu(e).


Une institution ambiguë, contradictoire et donc terriblement humaine, toute concentrée dans le personnage de Benedetta, tour à tour exaltée, sainte et idolâtre. Evoluant entre amour de Dieu et amour charnel interdit, dont un godemiché improvisé profanant l'image de la vierge est la plus parfaite illustration.


Benedetta est un mélange de foi aveugle et d'intelligence manipulatrice redoutable portés à ébullition pour servir ses désirs d'émancipation, de soumission et de manipulation d'autant plus redoutable que sa sincérité ne fait aucun doute. Alors même qu'elle détourne peu à peu sa dévotion pour la transformer en fanatisation, en contrôle de la foi et de l'institution catholique. Un personnage incandescent, proche de celui de la jeune Nomi d'un Showgirls jugé en son temps de bien triste manière avant d'accéder à une timide réhabilitation. On retrouve ainsi dans Benedetta la même féminité envisagée comme une arme, à l'image de Basic Instinct.


Verhoeven, quant à lui, filme ce qu'il veut voir et prend ainsi le parti de son héroïne et de sa réalité, jusque dans ses visions volontairement primaires et littérales, comme échappées de l'esprit d'une jeune enfant. Benedetta, incandescente, irradie d'un bout à l'autre de l'oeuvre, faisant penser en plus d'une occasion à l'exaltation de Jeanne d'Arc. On épouse littéralement sa vision de la religion, tout en buvant à son sein ses outrances parfois proches d'une certaine bouffonnerie. Nous ne pouvons que faire corps avec elle malgré ses paradoxes, comme on peut avoir décidé de croire en une Vierge qui a cependant donné vie à Jésus.


Féminité conquérante d'une nouvelle œuvre impure, Benedetta charme tout aussi immédiatement qu'elle fait peur. Car sur la scène de son église, de sa foi, Benedetta a beau servir le Christ et se prétendre son épouse, elle ne joue cependant aucun rôle, à part être elle-même, dans toutes ses contradictions obstinées.


Behind_the_Mask, qui aime bien parfois sonner la cloche.

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le 13 juil. 2021

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