Alors un de mes réalisateurs préférés dirigeant dans un rôle principal une des actrices préférées, autant le dire, Benedetta était une de mes plus grosses attentes de l'année ̶2̶0̶2̶0̶ 2021.


Résultat ? Certains effets numériques ne sont pas à la hauteur. Benedetta est capable de voir le Christ, mais pas le gros trou qu'il y a dans le mur de sa chambre. Le début est un enchaînement de scènes qui placent certes le contexte, mais manquant d'approfondissement. Et voilà... et voilà... et en fait, malgré ces défauts bien visibles, je me suis aperçu que j'ai kiffé.


Paul Verhoeven a un talent incroyable pour une chose : l'ambiguïté. Et l'ambiguïté, c'est dérangeant, car cela bouleverse nos repères bien confortables qui voudraient que d'un côté, il y ait les très bons, et d'un autre, les très méchants. La zone de confort dans laquelle on se sert la lèvre jusqu'au sang tellement on adore détester les méchants et tellement on adore éprouver une rage déchirante face au sort de la pauvre victime gentille.


Ouh, les méchants hommes qui écrasent les pauvres femmes... ah, bah, non, tiens, il y a des hommes qui soutiennent notre protagoniste et il y a des femmes qui essayent de la perdre (zut, c'est ballot, on ne peut pas faire dans le manichéisme stupide opposant les deux sexes !)... Ouh, la méchante sœur Felicita qui veut détruire notre sainte, oh, je vais la haïr... ah, ben non, elle est émouvante, parce qu'elle fait face au fait qu'elle doute, parce qu'en doutant elle est peut-être paradoxalement le personnage ayant le rapport le plus pur avec la foi, parce qu'elle pleure sincèrement à ce moment-là, parce que... je ne vais pas spoiler... Ouh, la crapule de nonce, pourriture hypocrite jusqu'à la moelle. Oups, il balance quelques répliques sarcastiques très drôles... Merde, on ne peut pas détester entièrement un être détestable qui balance des répliques sarcastiques...


Bon, notre pauvre protagoniste victime est une sainte qui provoque des miracles... comment ça, elle peut être aussi bien une grosse mytho tellement engluée dans sa mythomanie qu'elle-même croit à ses mensonges et pouvant, en plus, être animée de pensées bien perverses en éprouvant de temps en temps du plaisir à voir son prochain éprouver de la douleur ? Sainte ? Mytho ? Les deux ? Maudite ambiguïté ! En tous les cas, une chose qui est sûre, c'est que l'excellente et charismatique Virginie Efira s'engouffre totalement à l'aise dans ces contradictions.


Ah oui, il y a beaucoup de sexe (donc de nudité !), il y a beaucoup de violence (ce qui est toujours justifié par l'écriture, donc arrêtez les "cachez ces nichons que je ne saurais voir" ; et voir Virginie Efira en tenue d’Ève, quel plaisir... oui, je ne vais pas être hypocrite sur ce point !). Ça ne fait pas dans la dentelle. Ça tache bien partout. Ça ne recule devant aucune outrance ou boursouflure. Ouais, pas de doute, on est chez Paul Verhoeven. Toutes les thématiques broyées par son mixeur subversif ont toujours donné quelque chose de troublant. La foi, l'affrontement entre spirituel et corporel, l'idée de sainteté face à la réalité de l'humain ne sont pas les exceptions à la règle.


Oh mon Dieu, un Paul Verhoeven perturbant et sarcastique... pléonasme... quelle jouissance de voir ça. Non, sérieux, ce que ça fait du bien de voir le film d'un artiste qui comprend que la vie, c'est complexe et qu'elle doit être montrée ainsi.

Plume231
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le 12 juil. 2021

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Plume231

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