Dans l'abbaye rôdent les nonnes et Mal [in]carné

C'est avec pas mal de scepticisme que j'ai vu Paul Verhoeven s'intéresser à la vie d'une abbesse du XVIIème siècle inconnue, si ce n'est pour les lecteurs du livre de Judith C. Brown Immodest Acts - The life of a lesbian nun in Renaissance Italy, livre qu' il est fort improbable que je lise un jour, bien que son titre résume une partie du film qu'il serait injuste cependant de réduire à cela.


Avec en guise d'arrière-plan l'austérité monastique ou la débauche blasphématoire, le principal défaut du film est bien le choix du sujet, qui rebutera les non-croyants et fera fuir les croyants.
Le thème du long-métrage de Paul Verhoeven n'est pourtant pas si surprenant, la religion étant l'un de ses trois centres principaux d'intérêts, avec le sexe et la violence. A plus de 80 ans, la violence ne semble plus autant intéresser l'ex-Hollandais Violent. L'une des intentions de Verhoeven dans Benedetta est d'affirmer le droit au blasphème, le droit d'emmerder Dieu de Richard Malka. Mais il reste fidèle à son style : l'érotisme et le mauvais goût volontaire, contrebalancés par la critique de l'hypocrisie du clergé, un soupçon de mysticisme et un peu d'humour.



Le lépreux_ Votre Excellence, je meurs. Je vous en prie ! Donnez-moi
l'absolution !



Le nonce (le repoussant )_Allez trouver le prêtre de votre paroisse.
Demandez-lui l'absolution !



Le lépreux _ C'est moi ! C'est moi le prêtre de la paroisse !



Tant pis pour ceux qui trouveront le propos racoleur, ils passeront à côté de l'essentiel : le dilemme d’une jeune femme incapable de résister au plaisir charnel, mais animée d’une foi réelle et dévastatrice, bien que pervertie par l'orgueil, qui la conduira au renoncement final dans la pauvreté et l'obéissance. Le drame côtoie l'outrance et nous fait accepter la nudité, le sang, l'hystérie et les larmes. A la question de savoir s'il y a miracle ou simulation, ou même manipulation, Verhoeven se demande si on peut manipuler sans se rendre compte qu’on manipule. Apparemment c'est le cas de Benedetta et de ses stigmates.


Le sujet ne s'y prêtant pas, je ne veux pas faire de critique rationnelle du film et je veux faire simplement observer aux incrédules et aux rationalistes que les films sur les religieuses sont souvent le cadre de miracles qui dépassent le film lui-même. Ainsi la Religieuse de Jacques Rivette est le seul film de son auteur qui ne soit pas ennuyeux (la Belle Noiseuse étant hors concours) ; les Diables de Ken Russell est le meilleur film de son auteur, bien que censuré aux Etats-Unis. Autre preuve irréfutable Sœur Sourire avec Cécile de France n'a donné lieu à aucun meurtre, aucune scène de violence en dépit de la répétition du refrain « Dominique, Nique Nique ».


Dans Benedetta le miracle pourrait être que Virginie Efira (pour qui l'Amour divin c'est mieux à deux), gagne le César de la meilleure actrice en dépit de l'accueil mitigé du film. Il faut aussi rappeler qu'elle est nue dans plusieurs scènes, ce que fait semblant de détester le microcosme des professionnels de la profession. Si elle gagne, ce sera donc grâce à Dieu qu'elle le devra. Si elle ne gagne pas, remarquez que ce sera également à cause de la volonté divine. Ce sera la preuve que les voies du Seigneur sont impénétrables, car les acteurs sont tous bien dirigés et excellents, Virginie Efira surtout mais aussi Daphné Patakia. Charlotte Rampling et Lambert Wilson incarnent des personnages plus préoccupés par leur carrière et leur statut qu'intolérants au plaisir féminin. Le Mal n'est jamais où on le croit.


En résumé, malgré un sujet peu vendeur et aux airs parfois de déjà vu, c'est un film bien construit, puissant, qui montre que Verhoeven a gardé son esprit iconoclaste, son sens de la provocation et toute son énergie. Un film à voir, ne serait-ce que pour la performance de Virginie Efira.

Zolo31
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le 23 févr. 2022

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