Difficile d'aborder un film comme Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. Pour la première fois de leur histoire, Walt Disney Feature Animation s'autorisent à lancer une suite à un de leurs dessins animés avec un vrai fil conducteur, loin des Trois Caballeros et de Mélodie Cocktail qui alignaient les segments sans lien concret entre eux. La décision est d'autant plus surprenante qu'elle est tardive. 13 ans se sont écoulés depuis Les Aventures de Bernard et Bianca et au moment de l'annonce, 3 ans avant le carton de La Petite Sirène, la boîte aux grandes oreilles se cherche encore.


L'ironie veut que Roy Disney et Jeffrey Katzenberg aient voulu concevoir un long-métrage moins ambitieux pour laisser les groupes d'animateurs souffler un bon coup alors que Bernard et Bianca au Pays des Kangourous va nécessiter un travail tellement intensif que la production se retrouve à créer un système informatique révolutionnaire permettant de coloriser les images entièrement par ordinateur. Le film est donc le premier de son genre à abandonner les cellulos et constitue un bond technologique massif.


Rien d'étonnant alors à ce que le film soit d'une splendeur visuelle encore de nos jours. Dès le survol de l'Outback en ouverture, Mike Gabriel et Hendel Butoy nous entraînent dans un périple artistiquement époustouflant où la caméra virevoltante magnifie la visite des paysages de l'arrière-pays australien. Jamais encore les couches de dessins n'avaient été aussi bien superposées au point d'offrir un tel sentiment de vertige. Et le bilan est identique pour les panoramas urbains où l'imagerie 3D fait des merveilles lors des décollages de l'albatros Wilbur. N'hésitons pas à le dire, ce deuxième volet de The Rescuers est techniquement somptueux!


Si le premier film s'inscrivait dans la période financière la plus noire de ses créateurs, à la limite de la dépression, cette suite s'en éloigne complètement et se redirige vers un ton plus aventureux, bon enfant et convivial. Bien que très rythmé, le récit s'accorde des pauses bienvenues pour laisser les personnages respirer et l'émotion transparaître telle que la superbe séquence de rencontre entre le jeune Cody et l'aigle royal Marahute, commençant par une découverte haletante de l'environnement avant de reprendre son souffle avec l'exposition des œufs.


Soutenue par une musique fabuleuse signée par Bruce Broughton, l'histoire se démarque de celle du premier film, se voulant plus épique en insistant sur l'intercommunication entre les animaux de tous les continents du monde et où le kidnapping de l'enfant n'est plus qu'un prétexte pour retrouver une espèce rare là où la recherche de l'Oeil du Diable n'écrasait pas le dilemme de Penny. Mais la comparaison n'est pas dommageable car le voyage n'a plus le même but et ne désire pas transmettre les mêmes sensations. Le risque diminue mais les frissons augmentent.


Nous avons donc une introduction en béton, une fin solide, qu'y a-t-il de problématique au fond? Et bien c'est triste à dire mais le milieu ralentit bien trop l'ensemble, ponctué de phases de remplissage ni divertissantes ni marquantes. On se serait volontiers passés de l'inutile rétablissement de Wilbur dans le bloc opératoire ou de la tentative d'évasion de Cody qui n'aboutit à rien. Et le problème c'est que ces deux sous-intrigues font perdre au film un temps précieux, quasiment un quart d'heure! Il aurait été préférable de donner un peu plus d'importance à Bianca par exemple, presque éclipsée par son compère Bernard qui essaie tant bien que mal de la demander en mariage, leur relation évoluant depuis leurs innombrables missions.


Bernard et Bianca au Pays des Kangourous sort en 1990 dans une indifférence générale malgré les bons retours de la presse. Une semaine à peine après son exploitation dans les salles, Katzenberg joue au défaitiste et ordonne le retrait de toute publicité pour le film, persuadé qu'il a perdu assez d'argent comme ça. Un échec qui pénalisera définitivement la réputation du métrage sauf chez les curieux qui lui reconnaîtront toutes les qualités d'une bonne suite. Il demeure un film à part rien que pour son statut de premier sequel officiel.

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le 22 févr. 2018

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Walter-Mouse

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