Troll 2 est un nanar assez commun, suffisamment mauvais pour faire rire, mais pas assez pour être véritablement marquant. C’est pourtant un des plus populaires aux USA, où il est désigné comme étant le "worst movie ever". Mais c’est assez arbitraire ce genre d’appellation ; pourquoi ce film plutôt qu’un autre ? Dans le domaine du nanar, difficile de définir quels sont les meilleurs/pires films, il s’agit surtout d’une question de popularité au final. Mais comment Troll 2 a été vu par suffisamment de gens pour figurer dans le bottom 100 d’IMDb, et par la suite être considéré comme le pire film jamais fait ? C’est encore une autre question à laquelle il serait difficile de répondre.
Mais au moins, c’est cette popularité qui a mené à avoir ce documentaire, "Best worst movie", qui permet d’en savoir plus sur l’envers du nanar, chose qui est toujours intéressante (même si dans un monde parfait, ça serait Kill for love qui serait populaire à ce point ; c’est ce film là dont je veux voir les coulisses !)
C’est excellent de voir comment chaque participant à réagi face au film fini, et quel impact ça a eu sur eux. C’est rare d’avoir ce type de point de vue sur un mauvais film, c’est même une chance.
L’actrice qui joue la sœur en a honte, celui qui jouait le grand-père est content d’avoir fait un mauvais film (même si plus tard il fait le point sur sa vie et dit avoir gâché son potentiel ; il vit seul et n’a jamais eu d’enfants), et la femme qui jouait la mère a trouvé que c’était un très bon film, reposant sur ses acteurs.
J’avais mal pour ceux qui comptaient devenir de véritables acteurs, et qui ont vu comme le film, et leur jeu, était mauvais. D’ailleurs, je regrette de ne pas avoir vu le film en VO, parce que les lacunes des acteurs sont bien plus apparentes qu’avec le doublage.
Pour beaucoup, c’est le premier et/ou seul film de leur filmographie ; celui qui a peut-être le mieux "réussi", c’est George Hardy, qui a repris l’acting en 2007, dans des séries B, sûrement grâce à cette nouvelle vie qu’a connu Troll 2 justement. Il sera bientôt dans Goblin 2, et quand on sait qu’à la base Troll 2 devait s’appeler Goblin…
Ca semble assez logique étant donné que de tous les acteurs, Hardy est celui qui a le mieux accepté le "succès" du film. Il est le premier à avoir eu la démarche de se rendre à des projections de Troll 2, quand il a découvert que ça devenait culte. George Hardy a vraiment l’air d’un chic type, il est dentiste dans une petite ville où tout le monde l’aime (et travaillait déjà comme dentiste, entre deux périodes de tournage de Troll 2), et le début du docu ressemble carrément à une vidéo promo pour cet homme tant il est encensé par ses proches. Le seul moment dans Best worst movie où il perd de sa candeur, c’est quand il se retrouve dans une convention d’horreur où il a un dédain très surprenant pour les stands et les gens qui l’entourent…
Concernant le réalisateur du documentaire, ce n’est autre que l’acteur qui jouait le héros du film, quand il était enfant. Il raconte n’avoir découvert Troll 2 que lorsqu’il a reçu la VHS en cadeau, à Noël. Et il a haï ce film, qu’il a rejeté pendant des années… avant de prendre conscience de l’impact qu’il avait eu.
Il y a aujourd’hui de très nombreuses associations ou groupes de fans, qui organisent des projections, des "Troll 2 parties" ; de grosses réunions de geeks, hipsters, et de freaks, qui rappellent fortement l’ambiance de la Nuit excentrique ou de Panic cinéma en France.
Les gens sont tellement à fond, ils se déplacent de plusieurs états pour assister à une projection avec les acteurs, ils se font des tatouages, des masques, il y a même un jeu-vidéo basé sur Troll 2.
Certains comparent leur amour pour ce nanar avec une religion, étant donné qu’ils le font connaître à de nouvelles personnes à chaque fois.
Il y a un côté très touchant dans cet engouement dingue, surtout que je me reconnais là-dedans. Même si je n’ai pas une telle affection pour Troll 2, je me reconnais dans cette passion qui surpasse tout ; juste voir à quel point vont les fans dans ce docu m’a fait chaud au cœur.
C’est d’ailleurs ça qui est le plus intéressant dans ce documentaire, voir l’après-Troll 2, bien qu’on ait quelques anecdotes captivantes sur les conditions de tournage. Pas d’archives d’époque, mais seulement des propos rapportés, des souvenirs contés par les intervenants, le meilleur étant le type qui joue l’épicier de Nilbog, qui avait des problèmes psychologiques à l’époque, et a fait toutes ses scènes en ayant fumé des joints, et ne savait pas ce qu’il faisait. S’il a un air aussi glauque dans le film, c’est même pas voulu de sa part.
Il y a également des "reconstitutions" où l’on voit comment le réalisateur dirige ses comédiens alors qu’il ne parle pas suffisamment bien anglais pour donner des instructions claires, et se fout des problèmes de cohérence dont on lui fait part.
Je ne m’y attendais vraiment pas, mais il y a bel et bien le réalisateur italien Claudio Fragasso dans ce documentaire ; là encore, c’est une chance formidable, parce que si on prend pour exemple deux des autres nanars qui ont été sortis de l’oubli ces dernières années et ont connu un succès immense, à savoir Samurai cop et Miami connection, les réalisateurs sont décédés depuis des années.
Je pensais que Fragasso serait conscient de la qualité de ses films (le mec a aussi scénarisé Les rats de Manhattan et Virus cannibale), mais en fait, il parle de Troll 2 avec un sérieux à hurler de rire en disant que c’est un film important, qui parle de vie et de mort, de nourriture, et d’une famille unie face à l’adversité. Il conclut "En Italie, on appelle ça une parabole".
Son monteur est aussi à l’ouest. Sa femme et co-scénariste s’exprime moins longuement malheureusement, mais semble un peu moins dans le déni.
Le réalisateur du documentaire a eu la bonne idée de pousser le vice encore plus loin en confrontant Fragasso à ses "fans", et on se retrouve dans une situation digne d’une comédie où les mecs lui disent que Troll 2 est génial sans savoir qui il est, et on se demande à quel moment l’Italien va comprendre ce qu’on pense vraiment de son œuvre.
Pour les quelques personnes qui auraient vu Troll 2, ce documentaire est indispensable. C’est quelques fois touchant, mais surtout on rit beaucoup.
EDIT : Je ne m'en suis pas rendu compte, mais il manque l'actrice qui jouait la sorcière ! Apparemment ses interventions ont été coupées, va falloir que je regarde les bonus du DVD...