Alors que nous sommes en plein été 1959, tout semble paisible dans la petite bourgade de Suburbicon. Les familles semblent heureuses, elles vivent le rêve américain sous des sourires angéliques et où rien ne semble perturber un quotidien aux allures un peu trop parfaites. Pourtant, derrière les murs colorés des pavillons impeccablement entretenus se cache parfois une vérité bien moins clinquante… Entre mensonges, trahison, complots et tueries, vous ne serez pas déçu d’avoir poussé la porte de chez les Lodge.
Bienvenue à Suburbicon, un thriller satire
Réalisé par George Clooney (oui, oui, ce même George qui a joué dans Urgences), le projet était à la base censé être réalisé par les frères Coen, qui, allez savoir pourquoi, ont remis la partie à plus tard, abandonnant le scénario au fond d’une armoire. Si vous êtes un adepte des films de Clooney (six au total, si ma mémoire ne me fait pas défaut), vous avez sûrement déjà remarqué son univers assez décalé.
Ici, il nous embarque dans un univers pourtant connu, les 50’s, mais les couleurs et les expressions exagérées des personnages nous plongent dans un monde à part. Un peu comme Alice au pays des merveilles, le spectateur ignore s’il s’agit bel et bien de la réalité (une réalité d’un autre temps, certes), ou juste d’une énorme mauvaise blague. S’il est difficile de suivre la trame en tout début de film, tous les fils se connectent et le puzzle se met en place petit à petit. L’humour y est décalé, lui aussi. Il ne s’agit pas vraiment de feintes ni de punchlines marquantes mais plutôt d’une atmosphère qui porte à rire, parfois frôlant le ridicule.
Cependant, derrière ces dialogues et situations légères (au début, du moins), Clooney aborde des sujets sérieux, des thèmes problématiques de cette époque aux États-Unis, et malheureusement toujours d’actualité, comme le racisme.
Un Matt Damon comme nous l’avons rarement vu
La famille Lodge semble heureuse en tout point. Gardner Lodge (Matt Damon) vit une vie paisible avec sa femme handicapée Maggie (Julianne Moore) et leur fils Nicky (Noah Jupe). D’autres personnages entrent en jeu, avec un rôle important, comme la sœur de Maggie, Rose, qui est en réalité jouée par la même actrice ! Décision intelligente de la part de Clooney quand on connait la suite des événements. Un jour, la famille se fait cambrioler par des malfrats sans scrupules. Ces derniers séquestrent les trois protagonistes et les endorment à l’aide de chloroforme. Malheureusement, la dose infligée à Maggie lui sera fatale.
Si à première vue, tout est mis en scène de façon à ce que nous pensions les personnages principaux comme de pauvres victimes prêtes à se venger par amour, il n’en n’est rien !
Vous me direz que le coup de la victime qui est en réalité le cerveau machiavélique du drame est vu et revu. Certes ! Mais le scénario est pourtant bien ficelé et nous laisse croire très longtemps qu’il s’agit d’un coup du sort. Certains détails nous mettent la puce à l’oreille, comme le comportement de la tante Rose, qui peu à peu prend une place de plus en plus importante pour ne pas dire qu’elle devient totalement envahissante. Julianne Moore excelle dans ses deux rôles, d’un côté la douce et innocente Maggie et de l’autre, Rose la vipère, intéressée, perverse et prête à tout.
Matt Damon, alias Gardner, lui aussi se fond bien dans son personnage. Habitués à le voir en héros des temps modernes, en sauveur super intelligent et débrouillard, il parvient ici à se faire détester au plus au point. Méchant, vicieux, violent, politiquement incorrect, il nous surprend tant il est convainquant. La machination va loin et le suspense est bien présent.
Un dénouement peu logique qui nous laisse sur notre fin
Certes, il ne s’agit pas ici d’un chef d’œuvre cinématographique mais il est réussi en ce sens où il surprend et démonte l’idée que l’on se fait au premier abord. Le racisme est abordé, lui aussi, de façon violente et dure et ne nous laisse pas insensible. Bien entendu, il y a un bémol, comme partout. La fin est, à mon sens, bâclée. Peut-être n’était-ce pas l’intention de Clooney de nous apporter des réponses, de nous projeter dans le futur de l’histoire, dans l’avenir du gamin. Mais il est dommage d’avoir assisté à une boucherie sans savoir ce qu’il en est concrètement de la suite des événements. Trop peu de détails pour laisser notre imagination trouver une fin logique ou adéquate. Trop de questions qui restent en suspens : personne n’a entendu les coups de feu ? Pourquoi le gamin ne demande pas d’aide ? Que va-t-il devenir ? La famille afro-américaine va-t-elle céder à la pression ?
A vous de trouver vos propres réponses…