Sur le papier et sur la longueur, Being There aka "Bienvenue Mister Chance" avait beaucoup de chances de déplaire, de par la lourdeur de sa démonstration martelée de manière très uniforme du début à la fin (le protagoniste n'évoluera pas d'un iota, c'est le principe même du film ou presque) ainsi que par la longueur de la démonstration, qui finit par souffrir d'une certaine répétitivité, quand bien même elle serait intentionnelle et en partie légitime. Pourtant, jolie surprise en ce qui me concerne, Peter Sellers devant et Hal Ashby derrière la caméra sont parvenus à confectionner quelque chose d'intéressant sur le fond et de souvent amusant sur la forme, avec un sens du burlesque très particulier, qui ne peut pas plaire à tout le monde.
La première partie ne laisse absolument rien augurer quant à la suite : on découvre simplement un jardinier simplet, au lendemain de la mort de son patron, jeté par des avocats comme un mal propre de la maison qu'il avait considérée comme sienne durant toute sa vie. Une série de quiproquos et de coïncidences le transformeront en quelques heures seulement en un véritable oracle que tout le gratin politique et médiatique se disputera. Dans ce temps-là du récit, la mise en scène parvient à rendre a minima crédible la confusion générée par son attitude, interprétée à tort (enfin, ce serait à démontrer) comme un temple de sagesse et de pondération. Par la suite, le film évolue dans un autre registre, moins réaliste et plus fantaisiste, qui fera d'un simple d'esprit le nouveau guide spirituel de la nation, à travers la personne du président des États-Unis himself.
La satire est plutôt élégante, malgré tout, à destination des journalistes, politiques, industriels, commentateurs, et revêt parfois l'aspect d'une fable généreuse, voire humaniste. Le fait que le protagoniste soit totalement incapable de formuler la moindre mauvaise pensée en fait à la fois un prophète et un puissant ressort comique. La parabole dure un peu trop longtemps, mais reste intéressante, au-delà du cynisme qu'elle peut dégager : le fait très nietzschéen que la réalité n'est qu'une composition de subjectivités, conduisant en l'occurrence à l'image que renverrait un miroir à tous ceux qui s'y regardent. La critique de l'abrutissement d'un côté et de l'élite consanguine de l'autre forme pourtant un tableau très noir, avec sa métaphore finale, derrière son vernis comique.
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