Il est vraiment amusant d’avoir choisi "the big easy" comme titre pour un film si complexe.


Car à peu près tout y est complexe, sauf peut-être sa trame. Le plus étonnant, c’est que ce n’est pas tellement grave, et ce sont même certains défauts du film qui continuent à rendre ce dernier profondément attachant.


Anne Osborne (Ellen Barkin), jeune district attorney de la Nouvelle Orléans colle aux basques du lieutenant du département homicides, Remy McSwain (Dennis Quaid), dont les trois quarts de la famille (très nombreuse) travaillent dans le service, sur fond de corruption généralisée dans ce coin poisseux des états-Unis.


La genèse du projet est amusante. Nous sommes en 86, et l’erratique Jim McBride (trois films plutôt mémorables encadrés de tentatives artistiques décalées -avant eux- et de téléfilms sans consistance -après-) se voit proposer un projet de film sur la thème de la corruption ayant pour cadre Chicago ("windy city") dont la multiplicité des personnages rend l’intrigue résolument imbitable. Il décide de transposer l’histoire en Louisiane et de resserrer les fils du récit.
Et le résultat donne un mélange d’éléments surprenants et de choses absolument prévisibles.


Barkin at the moon


Il faut le savoir, ce film fait partie des films préférés de ses deux acteurs principaux. Dennis Quaid tient là un rôle dans lequel il donne la pleine mesure d’un talent trop souvent amoindri (corrompu ?).
Son personnage marche sur le fil parfait de l’ambivalence (jusqu’à un certain point du récit) du filou honnête, du type qui trempe dans le système mais qui croit savoir jusqu’où on peut moralement aller.
En face de lui, Barkin, tour à tour charmante ou répulsive, incarne une forme de conviction hors-sol, pétrie de principes qui ne tiennent pas cinq minutes face à la complexité du terrain. Son incapacité à résister aux assauts charmeurs de McSwain est à ce titre parfaitement révélateur.


Et nous voilà face à un maelström foutraque et fascinant, constitué de fêtes cajun quasi documentaires et de scène aux néons bleutés que deux flics à Miami ne renierait pas. Un film dont le final digne de Derrick contraste avec une vision incisive sur une région et ses habitants. Bref, où les moments superbes côtoient la série télé la plus convenue. Les seconds rôles détonnent (Ned Beatty, John Goodman, Grace Zabriskie) et quelques scènes cartonnent (un procès, relativement merveilleux de cynisme).


♪ On dirait le sud ♫


Au final, subsiste pour le Marseillais que je suis, ce léger malaise qui affleure tout au long du récit, quand je réalise à quel point certaines connivences, certains arrangements sont semblables à ceux que je peut être amené à côtoyer quotidiennement, me demandant pourquoi de tels comportements semblent à ce point liés au climats.
Y a -t-il une fatalité à ce que les suds se ressemblent autant ? La rigueur morale diminue-t-elle en proportion inverse aux degrés affichés par le thermomètre ?
C’est une des nombreuses questions que ce film paradoxalement passionnant permet de se poser, en se gardant bien d’y répondre. De nombreuses portes restent ouvertes, ce qui offre le double avantage de laisser circuler l’air et d’avoir envie, en tant que spectateur, de revenir au jour arpenter ces pièces torrides à l’atmosphère chargée de mélanges capiteux.

guyness

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