"Eyes are the windows to the soul !"
Peignant un délicieux portrait de femme tiraillée dans les affres de la vie et de l'art, Tim Burton, flegmatique et allégé, fait de Big Eyes un de ses films les plus personnels. Le cinéaste abandonne pourtant totalement sa pâte expressionniste et mélancolique, embrassant la réalité kitch et colorée de la banlieue de Edward Scissorhands, du réel émancipé de Big Fish, étreignant une grisante naïveté alors que l'humour caresse une effroyable emprise. Burton s'abandonne dans une certaine blancheur candide, pour alors affirmer à travers le récit véritable de Margaret Keane un constat doux-amer de sa propre carrière. Derrière la comédie dramatique à la narration et à la plastique limpides émerge un sous-texte fascinant, celui d'un artiste en proie au système, et plus subjectivement d'un cinéaste dans la toile des grands studios. La folie douce de Burton s'invite subtilement lorsque la conscience du protagoniste reprend le dessus, dans les rayons artificiels d'un supermarché où son art s'affiche en pure produit de consommation, lorsque une petite fenêtre de liberté la reflète au sein d'un huis-clos étouffant. Ce film est une œuvre-reflet, tel les yeux invoqués comme miroir de l'âme, Tim Burton y posant joyeusement ses problématiques personnelles à travers les yeux d'une artiste troublée dans un maelström de mensonges publiques, d'usurpation, de copies de copies. Cette quête d'identité artistique sucrée s'achève sur un procès climatique et atypique, où le réalisateur nous regarde alors droit dans les pupilles : Big Eyes, modeste chronique de déceptions et de décisions, est l'ultime témoignage d'un Tim Burton qui peint sa conscience, déclare son âme et signe son contrôle sur le cinéma de masse qui pense le contrôler, déclin chuchoté dont il se sait définitivement libéré.