Le voici donc « The big eyes » tant décrié par une majorité de la critique ou du public… Et l’on se demande bien pourquoi. Cela tient sans doute à ce que ce film dénote un peu dans la filmo de Burton, trop de réalisme peut surprendre. Et pourtant, on y retrouve ce qui fait toute l’essence créatrice de ce fabuleux réalisateur, à commencer par un univers graphique. En effet, la série des « big eyes » de Margaret Keane n’est pas sans avoir fasciné dans sa jeunesse, voire inspiré Burton. Il suffit pour cela de se pencher un peu sur ses « tragic toys » (tiré du livre « La triste fin du petit enfant huitre ») ou ses premiers croquis. On imagine aussi combien Burton a du être touché par cette incroyable histoire qui mêle faux semblants, syndrome psychotique, fragilisation de la personne. Margaret est dans ce sens un personnage typiquement burtonien (Amy Adams est d’ailleurs parfaite). Mais bien plus qu’un drame psychologique, Burton fait ici la démonstration de ce qui s’est opéré avec l’émergence de l’œuvre des Keane (elle, artiste, lui, incroyable génie du marketing), provoquant la mutation de ce cercle fermé des arts qui jusque là s’adressait à une élite. Warhol l’a compris de suite, l’art, notamment au niveau pictural, s’adressant au plus grand nombre, fait évoluer l’intention des créateurs, il devient alors plus mercantile, plus bling bling créant un véritable bouleversement dans les esprits. Il faudra attendra l’arrivée du numérique (tout le monde se croit artiste) pour connaître une pareille évolution. Burton ne prend pas partie pour autant, il se fait juste révélateur d’une époque. Et il s’en donne les moyens, par la maitrise de sa mise en scène sobre, et un ensemble technique de qualité. Notamment avec à la photo éblouissante de Bruno Delbonnel (« Amélie Poulain », « Faust ») qui entre intensité lumineuse des paysages et intimisme des portraits, souligne chaque contraste de l’action. On peut également saluer la belle chromatique des costumes et le soin apporté à la direction artistique. « The big eyes » est sans doute une œuvre à part chez Burton, elle n’en est pas moins une œuvre attachante très pertinente et disons le, réussie !