Le réalisateur Tim Burton a été vu pour la dernière fois lors des premiers jours de tournage de son dernier effort. Sa tignasse en bataille, il était vêtu de noir, comme à son habitude, d'une écharpe à carreaux noirs et gris et le visage mangé de ses éternelles énormes lunettes à verres bleus. Certainement pour cacher le vide de ses yeux. Heureusement que son nom était sur l'affiche de Big Eyes. Sinon, il m'aurait été difficile de reconnaître son style, tant la mise en scène passe-partout aurait pu être assurée par n'importe quel faiseur anonyme. Oh, il y bien quelques témoignages de sa présence cependant : un travail agréable sur les couleurs de son cadre, des premières secondes évoquant la banlieue proprette d'Edward aux Mains d'Argent, une scénette dans laquelle il est permis de voir une référence à sa vie chez Disney. Et c'est à peu près tout. Ah si, il y a bien ce postillon sur la page 34 du storyboard, en plein milieu d'une scène où l'imaginaire de son personnage principal envahit le quotidien un très bref instant.
Big Eyes propose à son spectateur la peinture de la société américaine des années 50/60, une période où la place de la femme était derrière l'homme, à être belle, silencieuse et soumise. Les beaux cheveux blonds et l'adorable petit nez en trompette d'Amy Adams séduisent, même si, tout comme son personnage, elle semble raser les murs. Dominée, fragile, timide, vulnérable, elle fait bien passer toute la mélancolie artistique de Margaret Keane. La confronter à son mari, incarné par Christoph Waltz, permet de doubler cette première thématique d'une réflexion sur l'art, son appréciation et son commerce. Dommage que l'acteur soit en totale roue libre, balançant sans aucune nuance du sourire carnassier du VRP en puissance à la colère outrancière.
Cette histoire d'usurpation du talent d'un autre et du poids du secret à conserver, qui se retrouve d'ailleurs dans Un Homme Idéal, sorti le même jour, se laisse suivre sans trop de mal, mais elle apparaît comme vissée sur des rails. Et ce jusqu'à une ultime scène où, si Burton semble retrouver ses moyens, le jeu outré de Waltz écrase le propos, entre comédie pathétique du personnage et ridicule de la situation.
Même si Big Eyes laissera à coup sûr le fan du cinéma de Tim Burton sur sa faim, il n'est pas pour autant un mauvais film. Non. Seulement une oeuvre désespérément moyenne qui si elle avait été réalisée par l'homme d'Edward ou de Batman, aurait eu une toute autre allure.
Si vous avez des renseignements ou des indices permettant de faire avancer l'enquête, téléphonez à la salle de cinéma la plus proche de chez vous.