"Rends service à tout le monde et tais-toi"
Je ne suis pas un grand fan de Tim Burton. Je n'ai vu que ses films les plus récents, assez fantastiques, à l’esthétique particulière et assez sombre, et surtout avec Johnny Depp. Puis, en allant voir Kingsman, j'ai vu pour la première fois la bande-annonce de Big Eyes, et j'ai été surpris par ses couleurs chatoyantes et son univers réaliste. Je savais que Burton s'était déjà prêté à l'exercice du biopic avec Ed Wood, mais ne l'ayant pas vu, je n'avais aucune idée de sa capacité dans ce genre cinématographique. C'est donc avec une certaine curiosité que je suis allé voir Big Eyes.
L'histoire nous raconte la carrière des Keane, couple dont le mari vend les toiles et s'attribue le talent de sa femme en se faisant passer pour l'artiste, ce qui constituera la plus grosse arnaque de l'histoire de l'art (d'après la bande-annonce). On y verra alors la rencontre de Margaret et Walter, ainsi que leur ascension dans l'univers de la peinture jusqu'à la déchéance du couple, détruite par la mégalomanie de l'homme.
Le point fort du film est, selon moi, le duo Amy Adams/Christoph Waltz. Si le titre indique le nom des principales œuvres de Margaret Keane (rendons à César ce qui est à César); il reflète aussi les yeux des acteurs. Les yeux bleus d'Amy Adams lui donne un air insouciante, naïve, ainsi qu'empreinte d'une certaine poésie; tandis que ceux de Christoph Waltz rayonnent de malice, malice qui va lui permettre son ascension. Comme c'est très bien dit dans le film "Les yeux sont les miroirs de l'âme", et c'est tellement vrai dans ce casting. Tous les acteurs ont un regard différend, qui en dit long sur leur personnalité : Jane, la fillle de Margaret, a des yeux pétillants d'intelligence tout en étant sérieux, ou Rubben semble regarder les autres de haut comme si son art était meilleur. Ajoutez à cela une réelle naïveté et incompréhension à Margaret, et un sur-jeu de vendeur/séducteur/mégalomane à Walter et vous obtenez des acteurs très convaincants et bon dans leurs rôles.
Niveau réalisation, pas grand chose à dire hormis ce choix de couleurs chaudes et prononcées qui donne un certain cachet à l'image. Cela m'a rappelé les quelques minutes que j'avais vues d'Edward aux Mains d'Argent et les couleurs fluo de la banlieue. L'interview qui nous est donné comme sur une télévision de l'époque, c'est-à-dire en noir et blanc et avec les bords déformés par la vitre arrondie, est aussi une très bonne idée. La musique qui suit l'action est aussi bonne, et nous permet d'estimer une date à ce qui nous est montré à l'écran. A noter une chanson en milieu de film, lorsque Margaret essaie un nouveau style graphique, qui m'a assez surpris, et qui montre le changement d'état d'esprit du personnage principal.
Passons enfin à l’écriture. Je ne peux pas juger de l'adaptation de cette histoire, ne connaissant rien à la peinture et à ses périodes en général, mais j'ai trouvé le tout plutôt bien écrit. J'avoue avoir senti une légère longueur sur la fin mais rien de bien méchant. Le film veut surtout nous alerter sur la condition des femmes dans les années 50/60 et ce, par diverses dialogues (dont j'ai tiré une phrase pour donner un titre à cette critique), et surtout par l'envie de liberté de Margaret, qui semble s'enfuir à chaque fois qu'elle prend un pinceau. J'ai cru aussi voir une critique sous-jacente aux amateurs d'arts modernes, par certaines phrases que l'on entend, et surtout par ce personnage italien et son "QUE BELLISSIMO" (j'ai fait espagnol, je ne connais rien à l'italien), qui fait assez cliché. Une autre critique serait sur l'idée de mode dans l'art (seulement dans un dialogue), mais elle est peu présente car on ne voit pas vraiment d'évolution dans les créations de Margaret.
J'ai aimé ce film, sans être transcendé. J'ai apprécié ses qualités sans voir de réels défauts. J'ai entendu certains le qualifier de "gentillet", mais je trouve que c'est donner l'impression que Burton ne peut pas s'affirmer dans un style différent. Je vous le conseille, en espérant que vous passerez un bon moment.