Je n'ai jamais aimé Burton, non pas que je le trouve mauvais, loin de là, mais son univers gothique et burlesque ne me touche pas, je ne parviens pas à m'y retrouver.
Je considère par exemple son "Edward aux mains d'argent" kitch, ses "Batmans" vieillissants, son "Charlie et la chocolaterie" sans saveur, "Dark Shadows" pénible et incompréhensible, sans évoquer ses œuvres clairement destinées aux enfants, comme "Beetlejuice" ou "L'étrange Noël", que je n'ai même pas l'intention de voir.
Toutefois, je dois reconnaitre au réalisateur une patte personnelle et un style unique, qui n'est en ce sens pas copié sur celui d'autres auteurs/réalisateurs à succès.
Je trouve également son "Sleepy Hollow" extraordinaire (probablement son meilleur film) ainsi que celui-ci, le dénommé "Big fish", qui s'apparente à une fable drôle, élégante et émouvante.
Le ton du film est ici léger et bon enfant, la noirceur, la satire et la folie ayant été délaissées par Burton au profit du fantaisiste et du merveilleux, l'histoire fabuleuse et rocambolesque de ce père de famille étant particulièrement agréable à suivre pour le spectateur.
Les artifices et l'imagerie chers au réalisateur ne manquent pas, comme cette brume improbable lorsque McGregor traverse une forêt hantée, ces araignées en plastique peu dangereuses, cette sorcière à l’œil de verre digne d'un personnage des "Goonies" ou ces sourires heureux et surréalistes baignant dans une lumière laiteuse.
Cependant, les effets de style sont ici au service de la mise en scène dans la mesure où le conteur affabule et enjolive constamment l'histoire de sa vie, les artifices cheap parfois à la limite du carton-pâte employés par le réalisateur, que je trouve détestables habituellement, renforçant ici l'aspect onirique et fabuleux de l'ensemble.
L'interprétation et la galerie de personnages hauts en couleurs (Danny De Vito en directeur de cirque, "Karl" le géant, les siamoises, Bonham Carter encore et toujours, Lange en femme à l'amour inconditionnel etc...), ainsi que le choix des lieux et la qualité de la photographie participent également grandement à l'immersion du spectateur, chaque "histoire" racontée par le patriarche étant attendue avec curiosité et envie.
Ces histoires prennent systématiquement un tournant drôle et surprenant et je dois dire que je ne me suis pas ennuyé une minute, Burton délaissant ses névroses pour revenir à l'essentiel: l'émerveillement simple et épuré.
Certains détails et clins d’œil sont également amusants, comme cette main mécanique que McGregor vend lorsqu'il est représentant de commerce, ou ces quelques notes de banjo lorsqu'il découvre le hameau "Spectre" au sortir de la forêt.
Mon seul regret concernera finalement le fond du film, s'effaçant clairement pour la forme, le message (pour peu qu'il y en ait un...) s'apparentant finalement à une apologie de la mythomanie du type "mieux vaut idéaliser sa vie pour que les gens s'en souviennent plutôt que de raconter l'ennuyeuse vérité que tout le monde oubliera"...
Le film n'a toutefois rien de moralisateur et ne se veut absolument pas didactique, sa finalité étant simplement de divertir et d'émerveiller le spectateur, ce qu'il parvient à réaliser avec brio.
Bref, un très beau film qui pourra qui plus est être apprécié par toute la famille de par sa dimension poétique et universelle, Burton prouvant ici qu'il est capable d'élargir son univers et ainsi de s'adresser à d'autres spectateurs qu'à des adolescents bobos gothiques satano-suicido végétariens (?)