Un chef d'entreprise qui travaille entre Los Angeles et San Francisco mène une double vie, incapable de quitter l'une ou l'autre de ses deux femmes. En tant que réalisatrice, Ida Lupino n'a jamais choisi la facilité et a privilégié des thèmes sociaux, souvent infusés dans les grands genres hollywoodiens, le film noir et/ou le mélodrame. Le scénario de Bigamie est relativement simple mais intelligemment construit avec un flashback qui occupe une bonne moitié du film, le procès final n'intervenant que comme une obligation morale vis-à-vis de la censure et de l'opinion publique. Le film ne s'écarte d'ailleurs pas de l'image traditionnelle de la femme américaine des années 50 mais Ida Lupino surfe sur les conventions avec aplomb et subtilité, mettant le doigt sur la solitude dans les couples (un côté "sirkien" assumé) et dressant un portrait nuancé et compréhensif du bigame. On est loin d'une oeuvre féministe mais sensible et compatissante, cela, oui. L'interprétation est remarquable avec Joan Fontaine et Ida Lupino mais surtout Edmond O'Brien, le colosse au cœur d'argile.