Hormis son nom et son statut légendaire pour les amateurs de musique, je ne connaissais finalement pas grand-chose sur Billie Holiday : la sortie de ce documentaire tombait donc à pic, même si celui-ci n'est pas exempt de tout reproche. Je pense notamment à toute cette mise en scène autour des enregistrements et cette reconstitution aussi hasardeuse que fauché, disparaissant, heureusement, presque totalement au fil des minutes. La comparaison est d'autant plus évidente lorsque l'on compare l'impact des photos, des clips, infiniment plus éloquents, efficaces pour décrire ce qu'était la chanteuse et ce qu'elle incarnait à une époque extrêmement difficile pour les noirs.


C'était une voix, bien sûr, unique, inimitable, mais pas que : sa collaboration avec les plus grands, son parcours semé d'embûches, de nombreux ennemis, un caractère très indépendant, des « choix » sentimentaux désastreux, une dimension presque politique, notamment à travers certains titres (le mythique « Strange Fruit » en tête). Le film se suit bien, on apprend des choses tout en restant un peu à la surface, ce qui permet, certes, de conserver un certain mystère (ce qui n'est pas plus mal) sans être vraiment surpris, si ce n'est certaines anecdotes assez savoureuses. Lady Day est grandement épargnée, sans doute trop tant sa capacité à se retrouver dans des situations intenables ne pouvait être totalement le fruit du hasard (même si elle a été aussi peu aidée que mal conseillée).


Presque aussi intéressant (si ce n'est plus) : le portrait en filigrane de la journaliste Linda Lipnack Kuehl, morte tragiquement dans des circonstances pour le moins étranges alors qu'elle écrivait une biographie « référence » sur la chanteuse, dont « Billie » s'inspire très largement : une personnalité émouvante, passionnée, où il est facile de faire un parallèle avec le destin tragique de son « idole ». Instructif, donc, permettant un bel éclairage pour les néophytes quant à ce qu'était réellement Billie Holiday et la « femme derrière l'artiste », aux choix d'images d'archives souvent judicieux dont on sort toutefois légèrement frustré, l'impression, sans que l'on puisse réellement expliquer pourquoi, d'être passé à côté de l'essentiel demeurant palpable, comme si James Erskine n'avait pas su capter pourquoi celle-ci est devenue aussi légendaire : sans doute le livre de Lipnack Kuehl aurait su, lui, l'apprécier encore plus à sa juste valeur.

Caine78
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le 20 oct. 2020

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