Avant de voir Billie Holiday, une affaire d'Etat, nous sommes amenés, spectateurs modernes, à redouter l'effet Bohemian Rhapsody, une tendance observable dans la plupart des biopics récents et qui consiste en l'édulcoration, si ce n'est l'effacement complet d'une partie de la vie et des travers de l'artiste.
Et celui-ci n'échappe malheureusement pas à cette fâcheuse tendance. Mais contrairement à Bohmian Rhapsody -qui ne révèle absolument pas la débauche du chanteur lors de ses fameuses soirées-, le présent film n'omet pas d'aborder ces travers, tels que la violence de ses relations avec la gent masculine, ou encore son addiction à l'héroïne. Mais il les aborde avec une grande légèreté, ici la drogue n'est qu'une manière de se détendre et elle n'a aucune espèce d'influence sur la vie de la chanteuse. La violence des ses amours se cantonne quant à elle à une gifle (que Billie ne manque pas de rendre).
Cette édulcoration se ressent aussi dans l'enchainement des scènes, et la monotonie qui s'installe au fur et à mesure qu'elles se succèdent. La volonté d'exhaustivité dans le récit d'une large tranche de la vie de l'artiste a pour conséquence d'annihiler la gravité du sujet, lui donnant un air de documentaire, heureusement contrebalancé par de très belles scènes de concert, où Andra Day révèle un réel talent d'inteprétation.
De plus, si l'on s'attendait à ce que le film souligne voire exacerbe l'engagement de Miss Holiday, il est également assez faible de ce point de vue. Cet engagement se limite ici à la volonté de la chanteuse d'interpréter Strange Fruit coûte que coûte, comme un caprice, sans tenir d'autre discours, le film omettant de dresser le contexte de l'écriture de cette chanson, et le racisme omniprésent d'un pays s'extirpant très difficilement de la ségrégation.
Un biopic assez lisse en somme, trop long et qui ne va pas au bout de ses ambitions, avec toutefois de nombreuses scènes de reconstitution des concerts notables de l'artiste, pour sauver la mise.