"Southern trees bear a strange fruit, Blood on the leaves and blood at the root, Black bodies swingin' in the Southern breeze, Strange fruit hangin' from the poplar trees." Les paroles de Strange Fruit, enregistrée en 1939 (l'année d'Autant en emporte le vent), ont changé à jamais l'image de Billie Holiday, au répertoire habituellement sentimental. Le film que Lee Daniels consacre à la chanteuse commence après-guerre, au moment où le FBI entreprend de la traquer, prenant son addiction aux drogues comme prétexte de harcèlement. Le film est honnête, grâce à la prestation convaincante d'Andra Say, bien que plus jolie et à la peau plus claire que l'originale (cela vous surprend ?) mais il a le tort de tout vouloir dire en deux heures d'horloge sur la vie, les amours, les vices, l'entourage et les ennuis de Billie, allant même, brièvement, jusqu'à évoquer son enfance singulière et dramatique. Le film ne manque pas de vitalité ni d'atmosphère, avec une reconstitution ad hoc de la fin des années 40 et début des années de 50 mais sa structure est lâche et la mise en scène de Lee Daniels, comme à l'accoutumée, pas vraiment à la hauteur de la flamboyance de son héroïne. Le contrepoint constitué par le harcèlement du FBI reste marginal et assez peu exploité. Le personnage de l'agent infiltré, plein d'ambigüités, observateur et acteur dans la vie de Billie, offre quelques perspectives de ce que le film aurait pu être, s'il avait choisi de lui donner le premier rôle et ce parti pris aurait sans doute permis de mieux comprendre la personnalité complexe de Billie Holiday, dont le statut d'icône ne changera certes pas après ce biopic parcellaire et trop timoré pour figurer parmi les grandes réussites du genre.