Par son 5ème long-métrage, je découvre avec Bird, et je dois dire non sans un certain bonheur, le cinéma de la réalisatrice anglaise Andrea Arnold, habituée des récompenses et des nominations, et ayant reçu à Cannes cette année le Carrosse d'Or !
Ayant fait partie de la sélection officielle du festival cette année, Bird est ma première vraie belle surprise de ce début d'année 2025 : un film fort et dur, d'une beauté et d'une sensibilité déchirantes, tourné en conditions qui paraissent réelles, proches du documentaire, dans un quartier de grande pauvreté du nord du Kent, à proximité de l'embouchure de la Tamise, et offrant ainsi de beaux paysages urbains, de campagne et de bord de mer.
Aux confins de plusieurs genres, mêlant la misère, la violence et la drogue, les intrigues familiales, le romantisme, et une touche étonnante de fantastique, ce film n'est pas sans rappeler par bribes les récents l'Amour Ouf, leurs Enfants après eux, voire Marmaille ou Vingt-Dieux, par une alchimie de la mise en scène, tantôt nerveuse et saccadée, tantôt délicate et poétique ! Et d'ailleurs l'utilisation du format 4/3, en gros grains et couleurs saturées en mode vintage, ainsi que le tournage caméra à l'épaule, permettent d'alterner les plans resserrés et nerveux, angoissants, donnant le tournis, avec des scènes plus apaisées, ou sensibilité et émotion vous submergent, l'ensemble dans une intensité prenante qui tient en haleine pendant une durée de deux heures qu'on ne voit pas passer, d'autant que le scénario construit par la réalisatrice ne manque pas de rebondissements.
Dans une toile de fond de misère sociale et de violence, mais sans jamais céder au misérabilisme, Andrea Arnold nous fait vivre l'histoire d'une famille éclatée de 5 enfants, et bientôt de deux familles, par le regard tendre de cette pré-ado de 12 ans, Bailey, rêveuse et adulte avant l'heure, jouée par une étonnante Nykiya Adams, cette actrice non professionnelle qui ne manque pas de charme et nous fait aimer ce film !
Dépitée par le remariage annoncé de son (très) jeune père Bug, qui semble complètement immature, dans son trip de faire cracher de la drogue à une grenouille, à condition de lui jouer la bonne musique (!), Bailey préfère s'enfuir de leur squat dans la lande, en filmant nature et oiseaux..., d'autant que son ado de grand frère, Hunter, ne vaut pas mieux.
Bug, un père qui va se révéler un personnage plus complexe et finalement attachant, c'est un très beau rôle pour l'acteur irlandais renommé Barry Keoghan (vu dans Les Banshees d'Inisherin en 2022), qui, pour faire ce film, refuse sa participation au Gladiator II de Ridley Scott !
Dans sa fuite, Bailey rencontre Bird, personnage étonnant, sorti de nulle part, plein d'humanité mais qui semble irréel, voire « perché » (on comprendra pourquoi en voyant le film) à la recherche de sa propre famille... Campé par un Franz Rogowski mystérieux à souhait, avec sa gueule de boxeur, cet acteur allemand renommé, Bird devient un compagnon apaisant pour Bailey, qui va l'aider à retrouver ses racines.
On assiste ainsi à une balade familiale effrénée, passant chez la mère de Bailey, la rencontre avec ses 3 jeunes autres frères et sœurs, dans une ambiance alternant violence, joie et insouciance, mais aussi de beaux moments de vérité, de surprise et d'émotion.
On croise ainsi une pléiade d'autres acteurs, tous non professionnels, formidablement dirigés par Andrea Arnold. Ce film est la fresque sans concession d'une certaine Angleterre, remplie d'humanité, de tristes réalités, mais aussi d'espoir.
Sans doute l'un des tout premiers très bons films de l'année 2025, qui mérite amplement sa sélection en compétition officielle à Cannes.