Pour débuter, il convient d'enfoncer une porte ouverte: le pouvoir à Hollywood, ce sont les super-héros qui le détiennent. Ils multiplient leur chiffre d'affaires aussi vite que leur nombre, squattant le podium du box office sur plusieurs places. Ils étaient au départ un microcosme au sein d'Hollywood, ils sont maintenant Hollywood (en exagérant à peine). Et ce indépendamment d'une qualité très variable, d'un esprit de renouvellement ou même de leurs interprètes...Car s'il ne faut pas longtemps pour que le nom des justiciers s'impriment dans les mémoires, en oublier leur(s) interprète(s) peut être aussi rapide. C'est le cas de Riggan Thomson, jadis consacré avec son rôle de Birdman, et aujourd'hui has-been aigri ne se souciant plus que de retoucher les sommets. Metteur en scène et comédien principal d'une adaptation théâtrale à Broadway, Thomson veut une nouvelle fois briller sous les projecteurs avant la tombée du rideau. Même si cela implique de se confronter à sa famille, ses amis, la réalité et surtout lui-même...
Alejandro González Iñárritu délaisse les intrigues noires et pesantes, qui ont jalonné son cinéma, et décide d'aborder une histoire universelle avec une lumineuse légèreté.
L'humour et l'absurde côtoient l'émotion et la tragédie avec un brio terrassant. Le réussite est d'autant plus grande que le choix d'enchainer les plans-séquences (accolés de manière quasi-invisible) n'était pas des plus évidents.
Et pourtant, en contant l'odyssée intérieure de Thomson sur 3 jours mais de manière continue, Iñárritu parvient à rendre évident ce qui aurait pu être bâclé, terne et superficiel. Les diverses attaques en piqué sur Hollywood, le star-system, le monde inter-connecté et l'égocentrisme qu'il engendre sont d'une incontestable précision.
Et le plus beau, c'est que les entailles enchainées par Birdman ne font qu'accentuer l'euphorie. Car même si l'on peut émettre des réserves sur le constat du cinéaste Mexicain (au sujet des films de super-héros), force est de constater qu'il ne manque pas d'inventivité et de pertinence quand il s'attaque à la logique mercantile des studios, qui se contentent de photocopier les mêmes recettes au lieu de laisser place à une vraie créativité.
Et le choix de Michael Keaton en héros ne fait qu'amplifier le caractère multiple de Birdman. L'ancien interprète de Batman délivre une prestation au delà de tout superlatif. Aux frontières(?) de l'auto-biographie, Keaton offre une performance d'une complexité fascinante, appelée à devenir un modèle du genre.
Dans le rôle de sa fille (Sam Thomson, à peine sortie de désintox), Emma Stone fait une nouvelle fois des merveilles, jonglant entre charme hargneux et douceur feutrée avec une aisance incroyable. Puis comment ne pas remarquer Edward Norton? Au sommet de sa forme, et en faisant preuve d'une audace mémorable, l'acteur campe un partenaire de jeu imprévisible et souvent hilarant.
On retrouve le Norton des grands jours, qu'on avait presque oublié.
Naomi Watts, Andrea Riseborough et Zack Galifianakis ajoutent encore plus de couleurs à un tableau qui n'en manquait déjà pas.
Un film méta, une mise en abyme, une comédie, un drame, une tragédie,...Birdman est tout cela à la fois. On pourrait penser que c'est trop, mais ce qui est sûr, c'est qu'on aura pas assez d'une vision pour en savourer toutes les facettes.