« Birdman » est le dernier film d’Alejandro Gonzalez Inarritu, qui, survolant une concurrence pourtant un peu plus relevée que ce à quoi ces dernières années nous avaient habitués, a fondu sur les cérémonies de récompenses, culminant avec l’obtention de l’Oscar du meilleur film en février. Le film réunit un certain nombre d'oiseaux connus, de Naomi Watts à Edward Norton, en passant par Emma Stone et le petit gros rigolo de « Very Bad Trip » (méconnaissable), et surtout Michael Keaton dans le rôle titre.
À New York, vieux hibou grisonnant, Rigan, ancienne star hollywoodienne et ex-interprète du super-héros Birdman, tente une périlleuse reconversion sur les planches. Vedette de la pièce – une adaptation qu’il s’est lui-même chargé d’écrire – il occupe également les rôles de metteur en scène et producteur.
Le job n’est pas de tout repos, et Rigan doit faire face aux caprices de sa basse-cour d’acteurs, à un catastrophique manque d’argent et à des risques de sordides poursuites judiciaires (vive l’Amérique !). Si cela ne suffisait pas, le pauvre homme tente aussi de réparer sa relation avec sa fille, une poule camée en perte de repères et subit les excentricités de Mike, le coq de Broadway, remplaçant au pied-levé d’un second rôle incompétent. Pour ne rien arranger, les charognards de la presse new-yorkaise n’attendent que la première de la pièce pour publier leurs critiques acides, brûlots destinés à punir l’audace de Rigan, symbole d’un Hollywood qu’ils honnissent…
Le scénario est intéressant, et fonctionne un temps. Les scènes de théâtre sont chouettes, et la photographie est tout à fait réussie.
L’originalité du film tient aussi à son montage, une prouesse technique du réalisateur : au risque d’y laisser des plumes, Inarritu a choisi de construire son film sur un unique plan séquence de deux heures, sans la moindre coupure. Ainsi, la tension reste permanente, le spectateur n’a pas le temps de reprendre son souffle. Par contre, il a aussi choisi de n’accompagner son film qu’avec une batterie, incessante, qui plaira à certains mais insupportera les autres (j’en fais partie).
La volée d’acteurs est plutôt bonne ; les jolies colombes que sont Watts et Riseborough sont convaincantes, Edward Norton prouve qu’il n’est définitivement pas manchot, tandis que le sosie officiel de Julien Lepers retrouve enfin un rôle à sa mesure – et c’est assez heureux, dans le sens où le film semble avoir été bâti pour lui. Le seul bémol que j’émettrai concerne la petite dinde aux gros yeux, Emma Stone, très peu crédible et très agaçante.
Par contre, au bout d’un moment, le film commence à s’enliser, perd de sa superbe et bat de l’aile. Les introspections de Rigan, au bord de la folie, qui se matérialisent en son alter-ego Birdman, réussies au début, deviennent un peu pénibles et n’apportent plus grand-chose. Il y a des longueurs, le film baille aux corneilles et perd du rythme, et s’achève sur une fin malheureusement hautement prévisible, convenue et décevante.
Il y a un petit côté narcissique, autoréférence dans ce film, qui est au final l’histoire d’un acteur de blockbuster vieillissant qui veut prouver son talent en passant à Broadway, interprété par une ancienne gloire du blockbuster… C’est assez méta, sans doute un peu prétentieux, mais personnellement ça ne m’a pas dérangé.
Au final, « Birdman » est très inégal. Si sa première partie vole globalement assez haut, en partie grâce à son montage dynamique, la seconde ne tient pas ses promesses, le film se brûle les ailes, piétine et déçoit dans sa conclusion, sans doute pensée plus contemplative, moins haletante, mais qui ne fonctionne pas, justement à cause des choix de montage. Néanmoins, Michael Keaton fait passer la pilule en interprétant avec brio le rôle de Rigan, qui aurait dû lui valoir l’Oscar. En espérant que ce ne soit pas son chant du cygne…