Bon, avec ce film, ça va être facile d'expliquer clairement une bonne fois pour toutes les deux parties que comprennent forcément une critique. Parce qu'on est obligé ici de commencer par parler de la performance technique en elle-même. Et quand je dis technique, j'inclus bien sur tout le monde, acteurs et scénaristes compris.
Qu'on se comprenne bien, le film n'est pas exempt de tout défaut. Mais fondamentalement, outre le fait qu'il n'évite pas totalement le côté "gimmick" de de la chose, réussir à fluidifier à ce point l'ensemble de la réalisation pour permettre ce tour de force qu'est ce film faussement entièrement en plan-séquence est une prouesse en soit.
Les acteurs sont convaincants (même si le choix de garder quelques "fourchages" de langue, notamment de la part de Galifianakis est quelque peu discutable, mais compréhensible vu la contrainte de réalisation), et toute la mécanique technique est parfaitement huilée.
Que ce soit le cadrage, le mouvement de la caméra, l'éclairage, le décor, tout permet à l'histoire de s'écouler tranquillement au rythme de son scénario, comme si on suivait l'action (pourtant parfois elliptique) de façon continue sans interruption.
Et on peut dire que cela vous change pour le moins des productions actuelles, avec, que ce soit bien fait ou non, leur abondance de shaky-cams, fast-passed-editing, et autres vomissures qui servent habituellement de cache-misère à des scènes d'action gargantuesques souvent mal conceptualisées.
Mais cela va servir de parfaite transition pour passer maintenant purement au propos du film, en commençant par souligner un premier soucis : le léger manque de subtilité qui semble planer sur l'ensemble de l’œuvre.
Principalement, ce film est une interrogation sur la différence entre art et divertissement, et l'existence même de la nécessité d'une telle différenciation. Parallèlement, il le fait en utilisant la carrière de Keaton pour résonner comme métaphore de cette interrogation par le choix de Keaton de ne pas rempiler pour Batman 3.
Cependant, et quelque soit la façon dont on interprète la toute fin du film, le personnage de Keaton ne cesse jamais de sembler regretter son choix et de courir éperdument à la traine de la gloire. Du coup, on a un peu parfois l'impression de simplement voir un acteur quémander la reconnaissance du public.
Mais comme cela se marie parfaitement au propos du film, il s'en sert pour lui-même évoquer ce défaut dans son propre propos, par l'intermédiaire du personnage de la critique de théâtre. C'est parce qu'il perd le duel contre elle dans le bar qu'il décide de faire ce qu'il fait lors de la représentation. Et la suite est :
SPOILER
Personnellement, je comprends son saut à la fin comme suit : la première fois qu'il a voulu sauter, il a été rattrapé par le mec et déposé dans un taxi. Le trajet du taxi est représenté par lui sautant quand même et volant au dessus de la mêlée. Il est donc en train de reprendre confiance pour se présenter sur scène.
La deuxième fois, à l'hôpital, c'est sa tentative de suicide avec le gun qui l'a amené là, et son saut représente sa nouvelle motivation retrouvée grâce au fait que ses actes lui ont permit de se rapprocher à nouveau de sa femme et sa fille, et non un suicide réussit cette fois. C'est, selon moi, pourquoi on voit sa fille sourire à la fin, signifiant qu'il n'a pas réellement sauté.
Mais même si on préfère croire qu'il l'a fait, sa motivation la plus probable est de mourir au moment où il a retrouvé une forme de Zenith différente, plus "moderne", en "créant le buzz", ce qui expliquerait aussi le sourire, cette fois métaphorique, de sa fille.
FIN DU SPOIL
Donc au final, le personnage principal n'évolue pas vraiment. Il reste enfermé dans son besoin d'attention, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. Il n'y a aucune réelle victoire personnelle, seulement l'illusion d'une possible victoire.
Or le film semble présenter cela comme une fatalité, une marche inévitable du monde. Et le fait qu'il s'agisse malgré tout d'une production relativement importante pour nécessiter la distribution d'un studio comme la Fox, pour un film au propos plus "cinématographique" que "divertissement", apporte une certaine ironie malheureuse à l'ensemble.