Birdman est-il une simple fiction ou en réalité une partition de la biographie de Michael Keaton ? Retour sur une fresque aux milles couleurs.
A mi chemin entre une comédie et un drame, Birdman narre la survie d'un homme jadis célèbre qui cherche à fuir son heure pour se retrouver sous les feux de la lampe. Cherchant à cacher sa calvitie naissante, il ne cherche en réalité qu'à oublier que sa jeunesse fut et que vieux il est devenu. Ressemblant étrangement au parcours hollywoodien de son interprète qui connu son heure de gloire, fin des années 80, début des années 90, Riggan Thomson monte la pièce "What we talk about when we talk about love" pour essayer de prouver qu'il n'est pas un vieux croûton. Son acteur principal est convalescent suite à un accident causé par les pouvoirs surnaturels de notre protagoniste. Soit le film résumé ainsi, ressemble déjà au tripe d'un mégalomaniaque, ravagé par les drogues.
A travers de plans séquences époustouflants, le film s'enchaîne aux rythmes de journées longues et fatigantes. Outre notre personnage principal, on retrouve un Edward Norton qu'on avait pas vu si déprimé depuis Fight Club et qui nous rappelle à quel point il peut être bon. Marqué par un cynisme apparent il semble être là pour empêcher Riggan de devenir comme lui. Emma Stone signe ici son émancipation cinématographique, loin de la jolie fille dans Spider Man, elle devient une junkie qui ne supporte pas ou du moins plus, la prédominance de l’ego de son père. Ce même ego et cette même obsession omniprésente de reconnaissance qui l'a privé d'amour paternel. Contrairement à Edward Norton et son cynisme, elle semble être le seul personnage encore assez jeune pour croire qu'il y a toujours une petite lueur d'espoir alors qu'elle a déjà avoir vu la noirceur de l'homme et la cruauté de l'humanité.
Mais Birdman est brillant dans sa manière de montrer un personnage dithyrambique, imparfait et pétris de doutes et de contradictions. L'espace d'un instant, c'est le roi du monde, il survole New York et quelques secondes plus tard, il se retrouve dans un bar à la fois morbide et intimiste avec Edward Norton au fond du trou. Riggan passe des deux extrêmes très rapidement, et comme un dernier voyage initiatique, on le voit évoluer également dans ses rapports avec sa fille, hurlant sur elle, puis la chérissant et s'excusant, comme un grand enfant, cet homme en fin de carrière semble seulement se rendre compte de tous ses torts pourtant si évident au spectateur.
Quant à la réalisation, les longs plans séquences qui, rythmés par la musique d'un batteur qu'on croise quelques fois à l'écran, forment un rendu visuel atypique qui a été construit de manière à donner l'impression d’assister à un seul et même long plan. Cette technique permet de mettre en avant l’interconnexion des personnages et ce qui peut se passer à un même moment à différent endroits. Mais là où le film pourrait perdre en intensité en devenant un film choral, il reste focalisé sur un Michael Keaton dépassé par les événements qui cherchent tant bien que mal à redresser le navire sur lequel il vit.
Cependant, Birdman s'essouffle dans sa course contre le temps vers la fin et perd en efficacité. De plus on remarquera que même si c'était voulu, la scène de Michael Keaton survolant New York est très mal faite. Mais bon le film s'équilibre avec la traversée épique de Time Square.
Well done.
Critique écrite par Manon Letondeur des Cinéphiles du Soir