Voilà un bel OVNI méta-cinématographique, mené de main de maître par le mexicain Alejandro González Iñárritu (21 Grammes, Babel, Biutiful) dont le scénario, mêlant humour noir et fantastique, ne cesse de nous surprendre ! C'est une réflexion délirante sur le métier d'acteur et la création artistique, une satire grinçante du monde du spectacle, qui s’en prend notamment aux blockbusters hollywoodiens, aux réseaux sociaux ou encore à la critique... Nous y suivons les mésaventures existentielles de Riggan Thomson, acteur un peu has-been qui incarnait le super-héros Birdman dans les années 90 et qui tente désormais retrouver sa gloire perdue en montant une pièce de théâtre arty, inspirée de la nouvelle What We Talk About When We Talk About Love de Raymond Carver. Le personnage est interprété par Michael Keaton, acteur lui aussi un peu has-been qui incarnait Batman dans les années 90, désormais salué et nommé aux Oscars pour sa prestation impeccable dans le film arty d'Alejandro González Iñárritu.
Mais Birdman, c'est surtout une vraie prouesse de mise en scène. Grâce à d'habiles trucages numériques, le réalisateur nous donne l'impression, à la manière d'Hitchcock dans La Corde, que tout son film, ou presque, est un immense plan séquence ininterrompu (un plan séquence consistant à tourner une scène en une seule prise et sans aucune coupure), durant lequel nous suivons les nombreux personnages et déambulons dans les coulisses labyrinthiques de ce théâtre New-Yorkais. Le résultat est saisissant, les raccords sont quasiment invisibles et déplacements de la caméra sont d’une fluidité remarquable. Alejandro González Iñárritu y mélange temps, espace, rêve et réalité avec une maestria folle ! À ce parti pris esthétique impressionnant vient s'ajouter la surprenante bande originale d’Antonio Sanchez, composée uniquement de percussions, ainsi que le travail inouï du directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, spécialiste du steadicam et du plan séquence, connu pour ses collaborations avec Terrence Malick (Le Nouveau monde, The Tree of Life...) et Alfonso Cuarón (compatriote d’Iñárritu), dont il a éclairé tous les films, de Y tu mamá también à Gravity, pour lequel il avait remporté un Oscar l’année dernière, en passant par Les Fils de l'homme... Toutes ces audaces scénaristiques et visuelles ont valu à Birdman les Oscars du meilleur scénario original, du meilleur réalisateur pour Iñárritu et de la meilleure photographie pour Emmanuel Lubezki.
Enfin, l’autre tour de force du film est bien entendu son casting, aussi improbable que jouissif, composé de nombreuses stars jouant sans arrêt de leur image. Michael Keaton crève l'écran, mais les seconds rôles sont tout aussi géniaux. Parmi eux, Emma Stone (nommée à l’Oscar du meilleur second rôle féminin) qui tient sans doute ici son meilleur rôle, la toujours bouleversante Naomi Watts, le grand Edward Norton (lui aussi nommé aux Oscars, dans la catégorie Meilleur acteur dans un second rôle masculin) qui joue le comédien prétentieux et égoïste qu’on lui a souvent reproché d’être, et un Zach Galifianakis étonnant car bien loin de son personnage fou de Very Bad Trip. On retrouve également les très convaincantes Andrea Riseborough (Shadow Dancer, Oblivion) et Amy Ryan (Gone Baby Gone), ou encore Lindsay Duncan, connue entre autres pour sa grande carrière au théâtre, dans le rôle de la sévère critique qui donnera son sous-titre au film : La surprenante vertu de l’ignorance.
Birdman est donc un film bluffant, mené de main de maître par Iñárritu. C’est un tour de force technique et scénaristique, une comédie barrée et originale qui mérite amplement toutes ses récompenses. À ne pas louper !
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