Birdman est la mauvaise copie d'un grand film, un truc vide en toc aussi creux qu'un décor en stuc. Y voir un chef d'œuvre, c'est avoir perdu tout sens critique.
Au début de la fin, ce moment où le film devrait s'arrêter alors qu'il n'en finit pas de ne pas finir, à ce moment-là donc, Iñárritu nous sert la confrontation édifiante entre son personnage principal et la critique de théâtre, celle qui fait la pluie et le beau temps à New-York - la méchante. C'est affligeant. Tous les clichés y passent, la vie d'acteur, la frustration des critiques, les fleurs... On cite même Flaubert, le pauvre, alors qu'on fait du Florent Pagny.
Tout le film est à l'avenant, en tout cas sa matière, le fond de sauce. La vie, l'amour, les fleurs [encore], avec pour ritournelle que tout le monde veut se faire aimer, par son papa, sa femme, le public, la critique, et pour cri du cœur "hey, moi aussi j'existe, quoi !", le tout servi par une assommante logorrhée ponctuée comme il se doit de confrontations "choc", mises au point dramatiques ou tentatives comiques à peine réussies, Keaton en slip, les fesses de Norton, Norton en slip, Norton bande en caleçon long.
La forme est une espèce de prestation pour kermesse, un truc pour épater la galerie. Le faux plan-séquence en steadycam [justifié sans doute par le besoin d'être "au plus près", filmer la nuque de Norton ou les poils blancs du menton de Keaton, whaou], nous donne d'abord envie de vomir [les 10 premières minutes sont insupportables] puis de crier "pose ta caméra, bordel ! Revois La soif du mal ou L'impasse et pose ta putain de caméra." On a constamment l'impression qu'on va cogner le steadycameur, le faire tomber sur un comédien, lui-même en chutant faisant s'écraser le décor... C'est de l'esbroufe, les pieds au mur pour éblouir le bourgeois, être dans le livre des records, obtenir un Oscar.
Deux bons points cependant, la BO plutôt brillante, et la photographie... et quelques très beaux plans sur New-York.
Ce sont les comédiens qui sauvent le film du marasme. Ils sont tous bons, les filles d'abord, toutes habitées et justes, Naomi Watts, Emma Stone, Andrea Riseborough. Les mecs cabotinent mais cabotinent bien, Edward Norton en tête, Michael Keaton livrant en vain sa performance à Oscar et Zach Galifianakis servant la soupe.
Malgré tout ça, pas une émotion ne passe, pas une seule. Tout est faux. On n'oublie ni la caméra ni la volonté de bluffer, c'est fatiguant. Et puis le coup du revolver... quelle pauvreté dramatique ! La seule bonne idée, ce Birdman en fantôme, est finalement très peu exploitée, et ne sert qu'à légitimer l'image du "grand film qui brasse les genres". Raté donc.
Vide et vain, Birdman ne passera pas l'année.