Complétement défoncés au crack, Jojo et Riton, les deux amis de toujours, débarquèrent dans la salle obscure avec force et fracas.
"Baaaaaaaaaaaaatman ! " hurla Riton tout de go, ponctuant son cri d'une érucation que n'aurait pas renié le vainqueur d'un concours de rot.
"Non, Birdman" corrigea une vieille dame esseulée. "Asseyez-vous donc jeune homme et calmez-vous un peu.
-Mais... Que... Birdman, vraiment ?
-Je ne comprends pas, enchaîna Jojo, aussi perdu que son ami. Michael Keaton ? Birdman ? C'est quoi cette arnaque ?
-L'oscar jeune homme ! C'est l'oscar ! Allez taisez-vous maintenant, vous voyez bien que l'émission commence !"
Très vite, après les premières images, les capacités analytiques de Jojo, boostées par l'ingestion massive de drogues, lui permirent de comprendre la subtilité du casting.
Malin, pensa-t-il. Une critique explicite, limite démonstratrive, des blockbusters hollywoodiens avec pour acteur principal le Batman de l'ancienne génération. De quoi attirer le jeune comme le nostalgique.
Il se concentra car les images du film poursuivaient leur rythme d'enfer, sans coupure ou presque, tel un long plan séquence un peu trop sophistiqué pour ne pas être habilement coupé par endroit. Rythmées par une batterie plutôt bien venue et des dialogues bien sentis quoiqu'un peu caricaturaux, les scènes s'enchaînaient au gré des humeurs des protagonistes, tous affairés à la répétition d'une pièce de théâtre censée redonner sa crédibilité artistique à ce bon vieux Michael.
La mise en scène est certes flatteuse, songeait Jojo, le propos est intéréssant bien que déjà débattu mille fois mais ce sont les acteurs qui sortent le film de la simple tentative prétentieuse d'en mettre plein la vue. Edward Norton, subtil mélange d'arrogance et de vérité crue ; Emma Stone, dans un rôle casse gueule que tout autre actrice aurait foiré, Naomi Watts parfaite comme d'habitude et surtout Michael Keaton, bombe à retardement, fatigué, énervé, dépassé, talentueux et vrai. Un véritable come-back !
"Les oscars se sont gourrés, madame, conclua Riton à l'issu de la séance. Ce n'est pas le film, le réalisateur ou le scénario qu'il fallait récompenser mais l'interprétation !
-Jeune homme, je ne pourrais être plus d'accord avec vous ! Quel petit cul charmant il a ce Keaton ! Je ne m'en lasserais jamais " gloussa la vielle femme en s'éclipsant rapidement.
"Ah mon bon Riton ! Je crois que la vie me surprendra toujours ! Qu'as-tu retenu du film, mon ami ?
-Jojo, mon pauvre, j'étais tellement déchiré que j'ai cru revoir le plan séquence final de Hard Boiled de John Woo sur 1h50.
-Haha, Riton, toujours les bonnes références ! Bah, je pense que ce n'est déjà pas si mal, non ? "