Si Birds of America s'avère intéressant dans son contenu, il l’est beaucoup moins dans sa forme, complètement conventionnelle et académique vis-à-vis des documentaires télévisuels. Le film s’avère par ailleurs insupportable à regarder au bout de quelques minutes, ce dernier ne se posant jamais ; il y a constamment un mouvement de caméra, une musique ou une voix (vue ou entendue). S’il daigne offrir un plan fixe sans intervention de l'homme, celui-ci ne durera que quelques pauvres secondes, à quoi bon proposer au spectateur de s’imprégner de cette fameuse nature dont il parle tout le temps mais qu'il n'expose jamais. Car si la nature et son évolution est l’un des thèmes majeurs du métrage, celui-ci ne la laisse jamais s’exprimer, ne laisse jamais les bruits ou les silences qui la composent se dévoiler à l'oreille du spectateur, ses petits recoins de vide ou de verdure s'enticher de son oeil. Pourquoi ne pas montrer son déchirement et sa détérioration par l’image plutôt que balancer d’innombrables mots dans le vent ? Birds of America parle énormément, mais ne montre rien. Ces fameux oiseaux d'Amérique ne peuvent évidemment être vus étant donné qu’ils ont disparu, dans ce cas-là pourquoi ne pas se servir du montage pour juxtaposer leurs fameux dessins et l’impact de leur absence dans les paysages qu’ils occupaient, ou l’évolution de ces paysages qui auraient mené à leur disparition, mais pas juste quelques piètres secondes filmées à la volée comme c'est le cas ? parce que Jacques Loeuille fait un film sur le joli livre qu’il a trouvé et non sur l’extinction animale et le déchirement environnemental, une ode à Jean-Jacques Audubon plutôt qu'à la nature et sa préservation. Certains passages évoquent des conséquences industrielles sur les êtres et l'environnement, mais encore une fois en montrant des individus parler plutôt que les images de ces conséquences.
Sorti peu de temps avant, Il Buco se révèle, lui, volontairement ou non, une véritable ode à la préservation de la nature en ce qu'il en prélève toute la beauté et l'essence, et par ses longs plans fixes sans artifices pénètre sensitivement le spectateur qui aura désormais un attachement émotionnel et sensoriel à cette beauté, le poussant à vouloir la préserver. Il me semble justement que les discours portant à la révolte sont ceux qui pénètrent les sens pour atteindre à l'émotion, dans le film de Loeuille le pathos incessant de la musique tend au soupir et les bavardages au détriment de la monstration s'avèrent particulièrement vains. Il ne s'agit pas nécessairement de faire un film lent et contemplatif, mais dans Birds of America la parole éclipse en l'occurence complètement la vision, la quantité infime de plans de nature qui plus est très courts se trouvant submergée par l'abondance monumentale du flux des mots. Pendant une heure vingt j'aurais vu des gens bavarder face-caméra, leur nom affiché à côté de leur visage et des gros plans de dessins.