Rohmer cinéaste de la parole, du dialogue, pourtant le film s’ouvre par le silence, le silence de la solitude, le silence quand on marche, le silence quand on écrit, le silence quand on se réveille, le silence quand on se lève ; elle l’entend glisser un mot sous sa porte, immédiatement l’empressement de la parole, saisir l’autre par les mots pour éviter qu’il s’en aille, le flux des mots, les mots quand on est deux, les mots qui n’ont pu être extériorisés seul, le soulagement par le langage, le soulagement de la solitude. Alors la parole guide le film, on parle dans un parc, de tout, de rien, pourtant on ne sait plus quoi se dire lorsqu’il faut se forcer à parler. Décrépitude, velléité, on espionne un couple pour au final rien, deux êtres se rencontrent, parlent, rien n’aboutît qu’une lettre désespérée, on tente éperdument d’améliorer ses rapports avec sa fiancée, en vain ; le dispositif rohmérien frappe ses personnages de la difficulté existentielle des rapports humains, celle qui blesse, écorche, torture un peu. Évidemment il y a la jalousie, la mauvaise foi, la recherche d’un autre, puis le mensonge, toujours, partout, tout le temps, se protéger pour tenter de protéger l’autre, s’emmêler inextricablement dans sa propre chute, démarrer immédiatement une autre aventure. Quand les mots ne suffisent plus le corps s’empare de ce que la parole ne parvient pas à exprimer, ils s’effondrent, pleurent, seulement dans un court fragment, un apaisement de l’instant, « ça m’a calmé un petit peu » dit Anne.