Franck Dubosc + Kad Merad + Dominique Farrugia, on sait d'avance que ça va pas être un chef d'oeuvre de finesse et encore moins la claque cinématographique de l'année. En revanche, on peut espérer une bonne petite poilade à la française, et ça ne fait pas de mal de temps en temps.
La bande-annonce laisse d'ailleurs espérer de bons moments de délire, comme cette scène "déjà culte" où les deux comiques, projetés en 1986, pitchent les films qui vont marcher ("Bienvenue chez les Chtis", "Les Visiteurs", "Intouchables") dans les années à venir à une secrétaire de Claude Berri assez perplexe.
Le synopsis est sensiblement le même que "Camille redouble", "Peggy Sue s'est mariée", "La machine à démonter le temps", "17 ans encore" ou "30 ans sinon rien" (pour ne citer que ceux que j'ai vu). Il raconte donc le voyage dans le temps de personnages quadra ou quinquagénaires pas vraiment satisfaits de leur vie, se retrouvant dans leur propre peau d'adolescents.
L'originalité n'étant donc pas le point fort du film, on pouvait espérer qu'au moins l'écriture soit soignée, les situations comiques bien cocasses et les acteurs inspirés.
Le bilan est donc pour le moins mitigé.
Je ne sais pas si le budget était particulièrement serré (avec ce casting si "populaire" c'est quand même étonnant) mais la reconstitution des années 80 laisse à désirer. Niveau accessoires, ça va encore (minitel, téléphone à roue, walk-man, bus à impériale, Citroen BX, t-shirts Waikiki ou Fido Dido font leur petit effet madeleine) mais certains détails jurent un peu ou font "too much". La séquence de l'arrivée en ville de nos deux héros est d'ailleurs particulièrement ridicule. Pour pallier à la difficulté de reconstituer les années 80, on a droit à une séquence en dessins animés particulièrement kitsch, qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
En ce qui concerne le scénario, Farrugia dit avoir fait entre 15 et 18 versions avant d'être satisfait et de lancer la production. Il aurait sans doute pu en faire 10 autres, tant le film ne tient pas ses promesses et sous-exploite la plupart de ses situations comiques. Les personnages, pourtant assez simplistes (en gros, Merad et Dubosc jouent les mêmes rôles de beaufs respectivement benêt et dragueur que dans la plupart de leurs films précédents), sont souvent difficiles à cerner dans leurs motivations, ce qui fait qu'on ne se met pas à leur place et qu'on ne comprend pas pourquoi ils agissent ainsi.
C'est vraiment dommage car on sent bien que Farrugia s'est inspiré des comédies américaines à la John Hughes dans lesquels les ados vivaient souvent leurs fantasmes et allaient à fond dans leurs délires avant de revenir vers une morale bien pensante et tout public. Ici, point de fantasme, encore moins de folie.
Heureusement, le film est (un peu) sauvé par des scènes très drôles, pour peu qu'on adhère à la "vis comica" de Merad et Dubosc qui, en pilotage automatique, arrivent quand même à transcender quelques scènes et dialogues pas trop mal trouvés, comme quand ils essaient de s'organiser pour se téléphoner, à une époque où les portables n'ont toujours pas été inventés (si si dans le film c'est drôle).
Hélas, le sceanrio reste sur ce registre un peu superficiel de l'anachronisme technologique sans se servir réellement du changement d'époque, des mentalités qui ont évolué, de tout ce qui fait que le monde a changé depuis (mis à part la coupe du monde 98 qui semble être le seul évènement marquant des 30 dernières années pour les personnages du film et ses auteurs).
Bon, je dois quand même avouer que j'ai ri plusieurs fois pendant la séance. J'ai pas compté, c'est donc que c'était même assez souvent. Et vu que la plupart des comédies françaises que j'ai vues depuis un an étaient toutes plutôt mauvaises, je ne me permettrai pas de noter ce film trop sévèrement. D'autant que je ne m'attendais pas à beaucoup mieux. S'il est plutôt dans la catégorie haute des films de ses deux acteurs principaux (bien meilleur que "Safari", "Protéger et servir" ou "Fiston" par exemple), il partage avec la plupart des comédies françaises actuelles ce même manque d'ambition et de soin dans l'écriture, ainsi qu'une réalisation particulièrement dégueulasse malgré de nombreuses références et citations (notamment les parents de Kad Merad habillés comme ceux de Marty Mc Fly à son retour du passé), mais a au moins un certain rythme comique, ce qui est finalement l'essentiel.
J'ajouterai une mention spéciale pour Gerard Darmon qui, dans le rôle du père de Franck Dubosc, est assez émouvant, même si, encore une fois, la mise en scène ne lui fait pas honneur. C'est également un plaisir de retrouver Anthony Sonigo, le beau-gosse qu'on voit malheureusement moins au cinéma que son acolyte Vincent Lacoste.
A mon avis, "Bis" ne restera pas dans les annales du film comique français mais fera passer une heure et demie agréable quand il passera à la télé.
Au delà de sa qualité moyenne, ce film est surtout symptomatique de la crise que traverse le cinéma français, qui, jadis, pouvait se vanter d'être à la pointe de la comédie bien écrite avec des acteurs comiques irrésistibles (depuis De Funès et Bourvil jusqu'aux Nuls en passant par la troupe du Splendid ou Francis Veber) mais, depuis une bonne quinzaine d'années, on tourne en rond.
Les films français dits populaires ressemblent de plus en plus à des téléfilms (cf les succès récents de Dany Boon, de "la famille Belier" ou de "Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu") ou à de mauvaises adaptations de comédies (romantiques ou parodiques) américaines.
A quelques rares exceptions près (comme "Les combattants" l'an dernier ou justement "les beaux gosses" il y a quelques temps), il est devenu de plus en plus rare que les comédies made in France nous surprennent et, surtout, fassent vraiment rire.