#BKKY (2016) / 75 min
Réalisateur : Nontawat Numbenchapol - นนทวัฒน์ นำเบญจพล.
Acteurs principaux : Ploiyukhon Rojanakatanyoo ; Anongnart Yusananda ; Jeff Watson Kiatmontri ; Kesavatana Dohrs.
Mots- clefs : Thaïlande ; Docu-Fiction ; Sociologie ; Jeunesse.
Le pitch :
#BKKY est un docu-fiction centré sur l’amour, l’amitié, la sexualité de la jeunesse Thaïlandaise.
Premières impressions :
Je ne connais rien de la Thaïlande. Comme un peu tout le monde j’en ai l’image d’un pays exotique, de la bonne nourriture et des temples aux grandes flèches. J’en connais aussi son image sulfureuse qui m’a donné des envies de meurtres lorsque j’ai pu observer combien de vieux occidentaux se baladaient jeunes filles locales aux bras alors que j’étais en transit à l’aéroport Suvarnabumi. Cependant, quid de la vraie vie ? Comment les jeunes de Thaïlande abordent-ils la relation à l’autre, à l’amitié, à l’amour et au sexe ? Pour répondre à cette question, le réalisateur thaïlandais Nontawat Numbenchapol a effectué une centaine d’entretiens avec des jeunes de Bangkok. Il leurs a demandé de parler de leurs propres vies, de leurs propres histoires dont il a tiré un film très étrange, à la fois documentaire et fiction.
En effet, le film est tantôt un documentaire où des jeunes thaïlandais interviewés face caméra décrivent leurs vies personnelles. Tantôt, le film bascule sur une fiction dans laquelle on va suivre des personnages réguliers. En fait, le réalisateur a regroupé et mêlé les récits des interviews pour en concocter une seule et même histoire. On retrouve alors dans la fiction, regroupés dans un seul personnage une partie de l’histoire de l’un ou les propos de l’autre… Si le scénario y perd parfois en cohérence, l’idée est brillante car elle permet de continuer à capter notre attention ce qu’un simple agglomérat d’interviews ne saurait faire.
A ce propos, les deux parties sont très bien dosées. La fiction est intéressante et on arrive à s’attacher aux personnages alors que nous avons bien conscience qu’ils ne sont que l’agglomérat de plusieurs interviews. D’ailleurs le réalisateur ne laisse pas de place à la confusion entre fiction et interview et on peut l’entendre de temps en temps diriger ses acteurs. Malgré cela, la fiction fonctionne en récit, elle n’est pas là seulement à titre d’exemple. De l’autre côté, les interviews permettent de donner plusieurs points de vues sur une même thématique et apporte une vraie approche sociologique au film. Les visages défilent et répondent à des questions plus ou moins intimes, parfois souriant, parfois gênés, parfois tristes…
Une des particularités du film est de donner une place importante à l’homosexualité en mettant l’accent sur un thème de société peu connu, celui des jeunes filles tomboy, qui sont presque présentées comme un troisième sexe. Si on entend souvent parler de la Thaïlande pour ses transsexuels hommes, on ne fait jamais mention des tomboys, ces jeunes filles qui s’habillent comme des garçons et qui sortent avec des jeunes filles plus féminine. En me renseignant, j’ai appris que le phénomène était plutôt répandu et qu’il n’est pas rare de croiser des couples composées d’une jeune fille féminine et d’une tomboy. Cependant, il ne s’agit pas exactement de couples lesbiens classiques car il semble que les tomboys sont surtout un bon compromis pour les lycéennes et les étudiantes qui ne sont pas prêtes à avoir des relations amoureuses avec les garçons.
En effet, Durant les interviews, ces couples lesbiens semblent parfaitement envisagés par des jeunes filles qui ne se revendiquent ni d’être lesbiennes, ni d’être bisexuelles et on se demande d’ailleurs presque si cette notion a même un sens pour la jeunesse. Sortir avec une tomboy, c’est l’assurance d’une relation sans complication, sans enfant, sans mariage et donc sans soumission à son mari. Une façon de vivre ses premiers émois sans avoir à se confronter au mystère masculin et sans avoir à subir les foudres parentaux. D’ailleurs lors de la fiction, le père de l’héroïne préfère largement que sa fille sorte avec une tomboy, plutôt qu’avec un garçon. Cependant cette apparente acceptation de l’amour lesbien laisse aussi sous-entendre qu’il s’agit surtout d’une passade, un peu comme si ces couples étaient une étape en attendant une relation hétérosexuelle. En clair, on tolère l’homosexualité féminine à condition qu’il ne s’agisse que d’une histoire temporaire.
Du côté des tomboys, si certaines sont de vraies lesbiennes ou bisexuelles, il semble aussi qu’une partie d’entre-elles soit motivées par la possibilité d’échapper au machisme ambiant de la société. Être tomboy, c’est ne pas se faire draguer lourdement dans la rue et avoir une vie libérée du poids de la féminité dans une société dirigée par les hommes. Pour autant, il ne semble pas que les toms abandonnent toute coquetterie. Elles ressemblent d’ailleurs bien plus aux idoles masculines asiatiques qui tendent vers l’androgynie qu’à des camionneurs. C’est d’ailleurs ce mélange de code masculin et de douceur féminine que leurs partenaires recherchent. Du coup, être tomboy devient presque une tendance chez des jeunes filles, ce qu’apprécient assez mal les « vraies » lesbiennes.
Pour revenir au film, si la gestion de l’ambivalence documentaire/fiction est très bien menée, on ne peut pas dire que Nontawat Numbenchapol révolutionne la réalisation qui ressemble parfois à celle d’un court-métrage. Si la fiction est bien menée, on ressent rapidement le faible budget qui lui est alloué. Par contre, j’ai plutôt apprécié le jeu des actrices et acteurs, même si le fait d’avoir pu rencontrer les jolies actrices a peut-être un peu biaisé mon jugement.
Malheureusement, le film est totalement indisponible en France et je ne sais même pas si il est prévu qu’il soit projeté en festival. D’ailleurs n’hésitez pas à me faire signe si vous trouvez un moyen de le visionner. Malgré cela, il me paraissait absolument indispensable d’écrire une longue critique sur un film qui mériterait 100 fois d’arriver jusqu’à nous et de pouvoir parler de la société thaïlandaise assez méconnue. Bref, si vous avez l’occasion de voir #BKKY, foncez !