Tomiris (2019) – 126 min
Réalisateur : Akan Satayev
Acteurs principaux : Almira Tursyn, Adil Akhmetov, Erkebulan Dairov.
Mots-clefs : Kazakhstan ; guerrière ; péplum.
Le pitch :
L’histoire véridique de Tomyris, grande reine des Massagètes au VIe siècle avant J.-C. Après avoir vu périr ses proches, elle devient libératrice de son peuple contre le tyrannique Empire perse.
Premières impressions :
Ça fait un sacré bout de temps que je n’avais pas vu de péplum sur grand écran et comme le genre a quasiment disparu de nos salles obscures, je parie que vous aussi. Pourtant, quand j’étais ado, je ne ratais la sortie d’une histoire de mecs bodybuildés en slip sous aucun prétexte. Ah ça, j’en ai bouffé du Alexandre, du Roi Arthur, du Gladiator, jusqu’à en connaître des dialogues par cœur : « Mon nom est Maximus Decimus Meridius, commandant en chef des armées du nord, général des légions Phoenix… ». Il faut tout de même reconnaître que la majorité des films qui se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Gladiator sont d’affreux navets, mais malgré ça, y’a rien à y faire, j’aime l’ambiance qui se dégage de ces films. Eh bien croyez-le, croyez-le pas, cette atmosphère je l’ai retrouvée dans un film Kazakh de 2019 : Tomiris.
Alors Tomyris, c’est qui ? c’est quoi ? Même si vous aimez l’histoire, ce nom-là, il ne parle pas à grand monde. Eh bien Tomyris, c’est une femme déjà. Une reine-guerrière même, qui, il y a 2600 ans, a unifié des peuples nomades des steppes du côté de la mer Caspienne pour coller une branlée monumentale à l’empire le plus puissant du monde de l’époque : les perses. En gros, quand Léonidas résiste à Xerxès aux Thermopyles, il a certainement à l’esprit qu’une stratège de génie a réussi, cinquante piges plus tôt et sur plaine, à se faire le scalp de Cyrus le grand. Et Cyrus, c’était pas un manchot sur le champs de bataille parce qu’en trente piges de règne le bonhomme a conquis un territoire qui va de la pointe ouest Turquie à l’Indus, choppant Babylone, Damas et Jérusalem au passage. Cyrus, rien ni personne ne lui résistait, pas même Crésus, le roi de Lydie, qui pourtant s’était allié avec l'Égypte, Babylone et Sparte ! Enfin personne, jusqu’à ce qu’il tombe sur une femme qui lui dise non et le renvoie chez lui en petits morceaux dans une grosse boite en sapin. Et pourtant, si les vaillants spartiates continuent à alimenter l’imaginaire Européen, la Reine Tomyris, personne n’a entendu son nom dans une salle de classe de collège ou de lycée. Rien que pour ça, le film valait déjà la découverte.
Malheureusement, si on se concentre sur le film lui-même, il n’y a pas non plus de quoi crier au génie. C’est pas mal filmé, le fond est intéressant, mais sur la forme, c’est du péplum extrêmement classique et bien trop lent. En plus de ça, la steppe comme décors, c’est un peu monotone. Donc comme dans un péplum des années 2000, le film commence par la naissance du héros, puis vient son entrainement guerrier, un premier drame, puis un second qui rend notre personnage fort vulnérable mais qui tiendra bon pour reprendre des forces, revenir sur le devant de la scène et finalement triompher. Du coup, on se tape d’interminables dialogues dans un décor beau mais chiant, mais beau et on ronge notre frein en attendant qu’une scène d’action, plutôt bien filmée d’ailleurs, vienne nous faire patienter jusqu’à la grande bataille finale, haletante à souhait et réunissant un gros paquet de figurants en costumes. Finalement, la seule petite différence avec nos Alexandre et Cie, c’est qu’ici le film est Kazakh et que le héros à venir est une héroïne.
D'ailleurs, la bonne nouvelle du film, c’est presque son orthodoxie dans sa volonté de cocher toutes les cases du genre. Le fait que Tomyris soit une femme ne change rien au traitement du personnage qui est écrit, mais aussi filmé, exactement de la même façon que s’il avait fallu filmer l’histoire d’un homme général de l’antiquité. Tomyris est aussi brave, aussi forte, aussi faible, aussi cruelle et aussi sage que ses équivalents masculins. Mieux, bien que ce soit une femme combattante, Tomyris n’est jamais sexualisée ou fétichisée par le réalisateur. Elle ne combat pas en boobs cuirassés façon Wonder Woman ou Xena, et mine de rien, c’est super rare au cinéma. D’ailleurs comme le film est très classique, je m’attendais inconsciemment à ce qu’elle se retrouve dénudée lors d’une scène d’amour ou de viol ou que sais-je, d’autant que l’actrice était présentée comme mannequin lors de la présentation à l’Etrange Festival, mais non, le réalisateur Akan Satayev (aussi régulièrement producteur exécutif des films d’Adilkhan Yerzhanov), ne tombe jamais dans ce male-gaze sexiste.
Pour conclure, je ne saurais pas dire si beaucoup de films kazakhs valent le détour en dehors de ceux de Yerzhanov, mais ce qui est certain, c’est que ce que j’ai vu là avec Tomiris ne vaut pas moins que de très nombreuses productions américaines ou Est-asiatiques. Si le rythme est trop lent et que le film aurait gagné à faire trente minutes de moins, côté combats et grandes batailles on en a pour son argent et on voit que l’école soviet a su transmettre sa maitrise des grands films à costumes de l’URSS. Alors bien sûr, le film est Kazakh, et par conséquent il n’a pas le budget d’un Ridley Scott puisque Tomiris n’aurait coûté qu’à peine 6 millions de dollars mais franchement, j’aimerais vraiment voir ce que donnerait un film de Akan Satayev avec les moyens d’un blockbuster. La bonne nouvelle après avoir lu cette critique, c'est que le passage du film à l'étrange festival 2020 en première Européenne (Grand Prix Nouveau Genre Canal+) a permis d'exposer le film et qu'il a trouvé un distributeur français. Le film sera disponible en VOD dès le 14 octobre prochain sur Universciné (et d'autres plateforme ?). On préférerait le voir sortir en salle parce qu'un peplum c'est quand même mieux sur grand écran, mais c'est déjà fantastique pour un film qui, Covid oblige, n'a pas eu d'exposition en festival européens.