Black comme les ténèbres, black comme l’absence de lumière, black comme le désespoir, black comme le vide, l’absence de repère. Black, l’expérience de ceux qui sont aveugles. Black comme le psychisme qui sombre dans la maladie, comme les malades d’Alzeihmer.
Black est un film indien dédié à Helen Keller et il reprend la trame de sa vie. Il raconte l’histoire d’une enfant devenue aveugle et muette dans sa petite enfance. Coupée de tout, la communication avec elle est très difficile jusqu’au jour où les parents font appel à un professeur pour faire une ultime tentative avant d’envoyer l’enfant dans un asile en cas d’échec. Les deux acteurs principaux sont interprétés par deux grandes stars de Bollywood : Amitabh Bachchan qui interprète Debraj, le professeur et Rani Mukherjee qui interprète Michelle, l’enfant muette et aveugle. Je ne l’ai reconnue qu’à sa voix rocailleuse tellement typique, car physiquement elle est méconnaissable dans ce rôle.
Black rappellera à tous ceux qui l’ont vu : Miracle en Alabama (1962), film qui raconte l’histoire d'Helen Keller d’après ses mémoires. En particulier la scène éprouvante du repas. Elle est ici plus brève que dans Miracle en Alabama, mais tout aussi violente avec la gifle donnée par Debraj à Michelle et l’eau qu’il lui jette au visage.
Si Black nous raconte le combat mené pour réussir à communiquer avec Michelle, il glisse assez vite sur le sujet. Une fois la scène durant laquelle Michelle fait enfin le lien entre les signes et les choses qu’ils désignent, nous la retrouvons plusieurs années plus tard complètement métamorphosée sans avoir rien vu des années d’efforts pour la faire évoluer. Le film s’attarde surtout sur les relations entre Michelle et son professeur. Relation de confiance, de maître à élève, mais aussi relation conflictuelle, Debraj est dans une position de toute puissance même s’il ne le recherche pas, et il est difficile d’en être autrement.
Black est un film qui déploie un langage poétique à travers les images, le jeu de la lumière, des symboles.
- Il nous offre ainsi des plans superbes de la pièce où a lieu l’apprentissage dans laquelle se trouve Michelle, les rayons de lumière tombe sur elle donnant à voir son passage des ténèbres à la lumière des mots, de la connaissance, de la communication, de la vie.
- l’icône de Vladimir trône dans la grande maison où habite Michelle. Il s’agit d’une représentation iconographique pleine de tendresse qui contraste avec la violence qui se déroule dans la maison et qui est témoin de ce combat qui se passe entre les murs, combat de Michelle contre ses ténèbres, combat mené par son professeur contre ces mêmes ténèbres.
- La présence de l’eau : Michelle accède à la lumière intérieure des mots en étant plongée dans l’eau lors d’une énième bataille avec Debraj. C’est à ce moment qu’elle réalise pour la première fois le lien entre les signes et les choses. Moment où elle naît enfin, comme toute forme de vie qui a pris naissance dans l’eau.
- la neige qui apporte une touche de blancheur à ce film centré sur le noir des ténèbres de Michelle. Elle entre en communion de façon sensorielle avec ces flocons blancs qui tombent doucement sur elle et apporte un climat de douceur.
Tout le film est marqué par cette alternance entre les scènes de combat et les scènes pleines de la beauté, de douceur, de poésie des images.
L’autre volet de cette histoire est la maladie d’Alzheimer qui atteint le professeur de Michelle qui à son tour est plongé dans le noir des ténèbres psychiques. Il ne se souvient de rien, il ne peut plus communiquer. Michelle cherche à renouer le contact avec lui à travers les signes qu’il lui a enseigné durant des années. Elle fait ainsi appel à la mémoire du corps. Cette partie est beaucoup moins développée et présente tout au long du film qui se déroule en flash back.
Black est un film très émouvant, qui joue avec les cordes de la sensibilité, un film artistique et profond même si bien des thèmes ne sont que survolés.