Feu d'artifice en plein jour
J'ai volontairement choisi le titre original comme titre de ma critique, car c'est le plus fidèle au film, à son univers, poisseux, plongé dans la nuit et éclairé uniquement par la lumière artificielle des néons, même en plein jour. Le film nous tient en haleine sur son enquête de manière biaisée dès le début, car même quand on croit saisir quelque chose, l'enjeu, le rebondissement est sans cesse déplacé par un détail, une révélation. Dès qu'on croit avoir une longueur d'avance sur les personnages, on se fait avoir. En cela, l'intrigue policière est intéressante même si sa conclusion importe moins que le voyage aussi visuel que psychique.
Un voyage visuel d'abord avec ces plans soignés, parfois virtuoses, souvent surprenant qui suivent des personnages, nous mettent sous tension et ce dès la scène d'introduction qui confronte crime et séparation. On est comme happés, la violence surgit là où on ne l'attend pas... Dans un couple présenté rapidement et qui se quitte quand on arrive. L'identité est dès lors une barrière floue. Plusieurs scènes m'ont bluffé, pour ça, le film m'a souvent emporté. Mais l'ambiance générale m'a dérouté, à la fois lente et pleine de révélations complexes. Et le tout coupé par des scènes parfois surréalistes, à l'image d'un vol de moto plutôt cocasse, en plan séquence, en guise d'ellipse.
Puis un voyage psychique dans la construction de personnages inattendus, souvent acharnés, muets parfois, suiveurs, qui se cherchent, se jettent l'un sur l'autre et ne vont jamais là où on les attend. L'enquête a alors moins d'importance que ceux qui la font et la défont. En pointillé sur plus de 5 ans, la rencontre est d'abord visuelle, puis envahissante avant de devenir presque malsaine (toute la séquence "grande roue") entre un personnage masculin cabossé et une sorte de veuve noire au visage innocent. Le personnage de l'ex-flic a comme enjeu de se réapproprier sa vie, de quitter le charbon pour retrouver son corps. Mais tout lui échappe, comme à nous et ce jusqu'à l'épilogue final qui nous coupera encore de l'intrigue pour faire surgir la surprise, la beauté et soudain nous ramener à l'éphémère de la lumière qui, bientôt, redeviendra nuit noire et glaciale.