Impossible bien sûr de ne pas penser à Zang Ke et son "Touch of Sin" en voyant ce "Black Coal" : évacuons tout de suite les similitudes (deux chroniques noires et violentes de la nouvelle aliénation chinoise) et les différences (d'un côté le génie immense de Zang Ke, déjà l'un des plus grands cinéastes vivants, de l'autre la formidable créativité d'un jeune réalisateur formulant de nouvelles propositions formelles... enthousiasmantes). Parlons plutôt de cet incroyable retravail des codes du film noir auquel se livre Diao Yi'nan : intrigue alambiquée qu'il n'est pas forcément nécessaire de comprendre (même si, ici, elle fonctionne parfaitement), femme fatale, atmosphère sombre et glauque... grâce à une image splendidement travaillée (on peut penser à Wong Kar Wai), et à cette mise en scène exemplaire qui joue constamment avec les nerfs du spectateur, créant des pics de sensations vertigineux au milieu de passages faussement placides. On peut regretter qu'à la première vision, le spectateur soit sans doute trop partagé entre le désir de comprendre le film malgré les embûches narratives - excessives - semées par Diao, et le bonheur de cette sidération qui ne peut que le saisir devant des scènes inouies (l'explosion brutale de la violence du début, le vol de la moto dans la neige, les patins à glace, la grande roue... et le final au lyrisme superbement "contenu")... mais devrait-on se plaindre qu'il y ait des films qui nécessitent (et méritent) d'être vus plus d'une fois ?