Après l'angoissant Creep ou le drôlement gore Severance (un des sommets de la comédie horrifique) - et l'inédit en salle thriller Triangle - Christopher Smith change encore d'univers avec ce quatrième film, plus proche du drame historique médiéval que du film fantastique.
Le prologue fait songer à la fameuse séquence de Monthy Python sacré Graal des ramasseurs de cadavres ("bring up your dead !). Sauf qu'ici, rien ne prête à rire dans ces images blafardes et macabres de monceaux de cadavres allongés à même la rue, de champs transformé en charnier. Une entrée en matière choc pour mieux plonger dans cette Angleterre du XIVe siècle frappée par la peste. Et la maladie touche tout le monde, suscitant les peurs et les superstitions religieuses les plus fortes.
Dans ce contexte, la rumeur d'un village caché dans les marais et exempt du mal ne peut être que le signe d'une opération diabolique. Un groupe de chevaliers, mené par le taciturne Sean (Boromir) Bean, chargé de découvrir le secret du village embarque avec lui Osmund, un jeune moine perturbé par sa relation interdite avec une jeune fille qu'il a convaincu d'aller se cacher dans la forêt. Une quête sanglante jusqu'au bout de la folie d'où personne ne sortira indemnes. Et dont la quasi-majorité ne reviendrons pas.
En matière de violence crue et de restitution médiévale vériste, La chair et le sang – jusqu'ici pour moi un modèle du genre - de Paul Verhoeven est largement enfoncé.
Christopher Smith restitue avec une réelle force un univers médiéval assez crédible, dans sa saleté et sa dureté. Et s'il pousse parfois un peu trop loin le parti-pris du filmage caméra à l'épaule, il compense le manque d'ampleur de sa mini-fresque par une vraie attention pour ses personnages et quelques séquences gore saisissantes (avec éventration, crânes écrasés et même un écartèlement). Surtout, derrière le récit d'aventures, il aborde frontalement la question du fanatisme religieux. Vrai sujet du film. Jusqu'à l'absurde de voir un village massacré au seul prétexte d'avoir échappé à la peste ! Mais sans manichéisme. Si les chevaliers de l'inquisition, tout à leur bon droit divin, ne font pas de cadeaux, les « libre-penseurs » païens du village ne sont pas moins cruels et sans pitié. Et la description de l'évolution du novice Osmund, passé du jeune moine amoureux au chevalier implacable et névrosé, ne manque pas de finesse... Une vraie réflexion sur la croyance et le basculement de la foi dans le fanatisme... Sujet qui conserve sa même acuité 800 ans plus tard !
Une vraie bonne surprise, encore, de la part de ce jeune et talentueux réalisateur britannique. Et qui fait d'autant plus déplorer l'absence de sortie en salles de ce film (hormis, désormais, au Festival du Film d'Amiens, en ce mois de novembre 2012).
danielmuraz
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le 20 nov. 2012

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