J'aime Darren Aronofsky. J'aime beaucoup sa mise en scène, son association avec Clint Mansell à la musique et la folie qui s'imprègne dans (quasiment) chacun de ses films. Black Swan est un film à la fois visuel et sensoriel sur une jeune ballerine enfantine, fragile et surprotégée par sa mère, qui tente à tout prix de perdre son innocence pour incarner à la perfection le Signe Noir lors d'une représentation novatrice du Lac des Signes.
Au départ, j'y suis allé à reculons, faut dire que moi, homme corse, c'est pas facile de me décider à voir un film qui parle de danse classique. Mais voilà, j'étais déjà fan du superbe (bien qu'un peu hypocrite) Requiem for a Dream, j'avais adoré The Fountain... La curiosité a fini par l'emporter sur mon machisme lattent.
Black Swan ne place pas réellement la danse au cœur du récit. Signe Blanc, Signe Noir, Signe Mourant, Prince etc... Tout ça n'est qu'un prétexte pour nous raconter une histoire à la fois symbolique et renversante. L'histoire d'une jeune femme tellement isolée du monde par sa mère qu'elle n'a jamais pu perdre son innocence. Alors qu'elle approche de la trentaine, cette pauvre Nina est encore une enfant fragile qui craint les hommes, la ville et le sexe. Elle n'a jamais pu expérimenter quoi que soit jusqu'au jour où le directeur de sa troupe de danse lui propose les deux rôles principaux du Lac des Signes. Ce bon Thomas, en gentil directeur qui peut se féliciter de ne jamais avoir eu d’enquête à son sujet pour harcèlement sexuel et moral, pousse notre frêle petite Nina toute rose à découvrir son corps afin de pouvoir jouer la femme pure (blanche) et la tentatrice (noire).
Souffrant de trop longues années coupée du monde et d'une mère possessive et obsessive, notre héroïne va rentrer dans un délire dissociatif de la personnalité alors qu'elle luttera pour avoir le droit de grandir.
Mais Black Swan c'est aussi l’œuvre d'un type qui adore mettre en scène les obsessions et les séquelles physiques que ces dernières entrainent. A ce niveau, on a droit à la totale, anorexie, démangeaisons nerveuses, mutilations et dégâts corporels dus à la danse. Nina est une âme en peine dans un corps qui souffre.
Le film commence tranquillement. On nous présente une gentille fille paumée dans un cocon tout rose et tout mignon. Visiblement, elle n'a pas réellement conscience des rivalités entre les autres danseuses, elle s'efface. Le film pose néanmoins une sorte d'ambiance glauque en suspend. Les couleurs, les plans, les mouvements de caméra et la photographie ne coïncident pas forcément et un décalage étrange se fait sentir. Sans réellement pouvoir savoir pourquoi, on sait d'avance que ce film ne sera pas tout public.
Mais on le suit sans mal. On suit l'éveil de Nina à la sexualité avant de sombrer avec elle dans une folie intense aussi belle et puissante que profondément dramatique. Lors de ses scènes de rébellion, on est d'abord heureux de la voir s'émanciper, puis outrés de voir une telle cruauté se déchainer. Le film sait parfaitement nous entrainer dans les délires les plus violents d'une âme au bord de la rupture... Et, je pense qu'il est inutile de préciser que la musique de Mansell porte, encore une fois, magistralement cette œuvre avec douceur et intensité.
Au final, je ne regrette qu'une chose (et elle est totalement subjective), c'est qu'on ait pas droit à plus de scènes où Nina perd le contrôle. Tout est tellement intense lors de ces passages que ce film est passé à un cheveux de rentrer dans mon top 10.
Pour conclure, bien sûr que je vous conseille Black Swan. C'est un beau film, bien maitrisé qui vous laissera un sacré souvenir... Cependant (et pour finir sur une note légère), j'en ai plus qu'assez d'entendre parler de Black Swan juste pour la scène lesbienne, histoire de placer le jeu de mot "olol Mila Kunis porte bien son nom lol". Alors s'il vous plait, tâchez de retenir autre chose...
... Ah oui, et pour toutes les fans de 50 Nuances de Grey, c'est ça une véritable relation malsaine d'éveil à la sexualité qui te transfigure.