Belle surprise, ce second visionnage, hum. l'ayant déjà vu lors de sa sortie, j'avais été scotchée par le côté viscéral et pathologique du film d'Aronofsky... aujourd'hui encore, mais pour des raisons plus variées.
Natalie Portman que j'avais un peu snobée en 2011 au profit du lascif et narquois double (symboliquement Mila Kunis), est tout compte fait parfaite. Magistrale, elle glisse vers ce rôle tant espéré du cygne noir, puis lorsque le simple glissement vers se finalise, on a droit à une complète métamorphose, organique, impériale.
(spoiler)
Lorsqu'on frissonne par la musique de Tchaïkovski, c'est la peau de Nina qui se perce. mutilée, pour au final se parer du frisson de la "perfection" et se hérisser de plumes. et les fantastiques yeux injectés de rouge qui surgissent dans le noir, cette avidité et cette sexualité qui dansent sur la scène… La bestialité n'est pas régressive : l'incarnation en l'animal destiné à la mort est totale, et c'est seulement à ce moment là que le délire schizophrénique cesse.
A la fin du film, Nina n'est plus la candide petite Nina, elle n'a plus besoin de la sauvage/volage (lily) pour symboliser la rivalité, elle ne verra plus non plus son propre alter ego dissocié dans les miroirs. Ni qu'elle aura besoin de les désirer ou de baiser avec dans ses fantasmes. Elle est devenue cygne, elle a atteint la "transcendance", comme ils disent. Surtout, elle a atteint la puissance sexuelle et bestiale qu'elle n'aurait pu avoir avant, quand elle était encore bridée et assujettie par le monde névrotique de la danse, de la compétition et de sa mère. L'aliénation entre le blanc et le noir n'est plus : elle est les deux, réconciliés, sans dissocier.
Elle se suicide sans en prendre conscience, mais meurt par choix... comme le cygne doit mourir.
Doit-on en déduire que dans ce genre d'univers que sont la danse (classique) et les ballets, la maladie s'infiltre sans concession ? euh pfff... c'est un peu l'évidence du film, puisque c'est là qu'on s'impose le plus le non droit à l'erreur technique, au défaut corporel, ou au manque de présence. En gros : on veut du surhumain ou de l'inhumain. Mais bon, n'y a-t-il pas plus : ce qu'on veut voir, c'est cette femme devenir animal. Mais c'est aussi la femme, la morcelée, devenir femme. Sexuelle, affranchie des autres, majestueuse.
Mention pour Clint Mansell, l'acolyte sonore du réalisateur.
mention à moi-même : écrire moins long à ma prochaine critique.
Du reste, il s'agit pour moi peut-être du film le plus mûr et contrôlé de Darren Aronofsky, après avoir vu Requiem for a Dream, the Fountain et Pi (à revoir)