De bonnes intentions politiques ne suffisent pas à faire un film, et ces intentions ont visiblement occulté l’importance de l’écriture scénaristique. BlacKkKlansman repose sur un manichéisme qui devient rapidement très lassant, à croire que Spike Lee ne faisait pas confiance au spectateur pour se situer moralement face à l’histoire. Les personnages de John David Washington et d’Adam Driver s'opposent donc à une galerie grotesque de villains dont la médiocrité rappelle celle des personnages des Coen, sans pour autant l’égaler. Je conçois bien la nécessité de créer un univers fictif dans lequel le bien triomphe d’un mal que l’on satirise et dont l’éradiction rêvée provoque une jubilation sans faille ; seulement, histoire vraie ou non, l’élément principal sur lequel repose le film, à savoir le dédoublement du personnage de Ron Stallworth, n’a à mes yeux aucun sens, ou du moins, est développé d’une telle manière qu’il provoque dans ce film à thèse une série de quiproquos et d’invraisemblances qui affecte l’ensemble. Il me semble de plus en plus évident, après le visionnage de la mini-série HBO Katrina, que je préfère Spike Lee en documentariste qu’en réalisateur – j’ai été plus intriguée par les dix minutes d’images documentaires sur les violences de Charlottesville que par le film en lui-même. Et pourtant, il me semble que le portrait de l’Amérique des années 70, avec de part et d’autre le Ku Klux Klan et les militants des droits civiques, aurait pu faire l’objet d’une satire efficace et véritablement grinçante. Une belle déception donc.