On m'a offert de DVD, sachant que j'étais fan de westerns. Je l'ai regardé. Je me suis fait suer. J'ai regardé le making of. J'ai compris, mais pas aimé plus. J'aurais aimé, pourtant.
Butch Cassidy m'emmerde. Il y a des personnages comme Wild Bill Hickock, Jesse James ou Wyatt Earp dont on comprend bien pourquoi ils ont suscité un mythe. Mais Butch Cassidy n'a pas été gâté par le cinéma : le film de Roy Hill n'est pas un western, mais une comédie psychédélique pénible ; l'apparition de Butch dans un Corto Maltese est plutôt ratée ; et Blackthorn est une déception. A chaque fois, le problème est le même : on s'interroge surtout sur ce qu'il advint de Butch après qu'il soit parti en Bolivie. Alors qu'aucun film ne se concentre simplement sur sa genèse : le moment où il crée la Wild Bunch avec le Sundance Kid.
Blackthorn parle donc de Butch vieux. Il se fait appeler Blackthorn, et se fait suer. Il décide de retourner aux States rencontrer le fils d'Etta James. Sur son chemin, il rencontre des embrouilles.
Principale originalité de ce film, qui fait qu'on n'aimerait moins lui taper dessus : c'est un western sud-américain. Et les extérieurs ont été tournés dans l'Altiplano. Superbe travail de repérage, chaque plan de paysage est une merveille. Les décors, que je trouvais un peu studio quand il s'agissait de scènes de campement, on en fait été construits sur place, et l'équipe a l'air bien sympathique. Les acteurs ne sont pas mauvais, d'ailleurs.
Sauf que la narration est on ne peut plus plate. Peut-être est-ce moi qui suis devenu trop formaté ? J'ai trouvé en particulier les dialogues très plats (un gars une balle dans la jambe qui gueule : "Ne me laisse pas tout seul", je suis désolé mais ça ne sonne pas western pour moi. Trop extériorisé, trop dramatique. Ou pas assez, en un sens). Les personnages, en particulier Butch, ont l'épaisseur d'une feuille de cigarette : ils font exactement ce que le public, s'identifiant à eux, veut qu'ils fassent pour résoudre leur problème du moment. Il n'y a pas de distance, et trop de parole pour dire des évidences.
Certaines idées étaient bonnes, pourtant : Butch achetant une guitare pour chanter le long de la route avec un "ami" rencontré sur le chemin, détail psychologique qui montre qu'il est habitué à vivre seul. Sauf que juste après on a des scènes où il chasse le lapin en faisant le con avec son nouvel ami, et dit des banalités sur l'amitié. Bam, truc foutu par terre. Un vieux salopard qui a su survivre à tout, même à ses amis, ne devrait pas avoir un coeur d'artichaud comme ça. ça me rappelle un autre de ces westerns poussifs et débordants de sentiments convenus : "Open range", avec Costner et Robert Duvall.
Autre exemple : le retournement autour du personnage joué par Noriega : un réalisateur comme Budd Boetticher aurait traité magistrament un tel retournement de situation. Mais il faut croire qu'en Bolivie on ne joue pas au poker comme aux States : le retournement est plat, et le scénario en reste aux conséquences immédiates pour Butch. Il aurait fallu une ou deux répliques percutantes avec des implications morales plus larges.
La musique, country tirant légèrement sur le latino, m'a énervé dans le même ordre d'idée : elle semble là pour que le public gratteux reprenne les airs et se prenne pour un cowboy à peu de frais.
Bref, la préproduction a été faite très soigneusement, mais à la base ce projet partait avec un vrai problème d'écriture. Avant, on savait raconter une histoire, avec des personnages marquants. De nos jours, les protagonistes sont des monsieurs-tout-le-monde dans lequel le public se projète d'autant plus facilement qu'ils sont complètement transparents.